
« Historiquement, les choses les plus terribles, guerres, génocides et esclavages, ne sont pas issues de la désobéissance mais de l’obéissance », Howard Zinn, historien et politologue américain avait déjà saisie la complexité que peut revêtir la notion de génocide. Notamment dans le cadre de la Seconde Guerre mondiale, et de par les épisodes qui ont marqué ce conflit, les sociétés ont finalement saisi la nécessité d’évoluer dans des contextes variés et permettant l’émergence du monde tel que nous le connaissons : contexte des mouvements décolonisation, influence majeur de la guerre froide, développement et ambition d’un système international aux ambitions nouvelles…
Ces évolutions furent notamment initiées par le biais des enseignements que les États ont pu tirer de cette guerre et de ses dommages collatéraux. Cette prise de conscience permet la conception progressive d’un arsenal juridique, marquée par le souhait d’instaurer une paix durable.
Un contexte post-conflituel propice à une lutte contre l’impunité
Au lendemain du conflit, se pose la question des modalités de jugement des perpétrateurs des crimes de guerre (aussi bien la Shoah en Allemagne que les crimes perpétrés au Japon) : c’est ainsi que l’accord Interallié du 8 août 1945 officialise la création du Tribunal de Nuremberg afin de juger les individus ayant commis des crimes durant la Seconde Guerre mondiale. Celui-ci comprend une convention listant les crimes dont la juridiction est en mesure de juger : crime contre la paix, crime de guerre et crime contre l’humanité.
Un autre tribunal est créé dans ce même contexte : le Tribunal de l’Extrême-Orient qui ouvre les portes de sa juridiction le 3 mai 1946. Moins réputé que celui de Nuremberg, son étude n’en demeure pas moins pertinente. Cela s’explique par un impact dans la mémoire collective qui est rapidement essoufflé, et cette amnésie fut en réalité motivée par les juristes. Il est cependant possible de dégager une volonté commune, celle de juger les crimes : l’article 6 du statut de Nuremberg deviendra en ce sens l’article 5 de la Charte de Tokyo qui définit en termes identiques, d’abord les crimes contre la paix, ensuite les crimes de guerre et enfin les crimes contre l’humanité.
Dans le même courant que cette vague cherchant à lutter contre l’impunité des acteurs et surtout pour prévenir et juger les actes de génocide : la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide est créée en 1948 et contient la première définition officielle du génocide. Puis les 4 conventions de Genève de 1949 vont constituer des instruments mettant en place le droit international humanitaire, soit le droit applicable pendant une guerre ; ces dernières vont alors affirmer que certains comportements revêtent le caractère de crimes internationaux (torture, prise d’otage…).
Une lutte fondatrice d’instruments essentiels à une concrétisation de la paix
Comme la figure capitale du tribunal de Nuremberg peut en témoigner, le concept nouveau d’une responsabilité pénale internationale s’est révélé indispensable, d’autant plus que cela a contribué à identifier de manière claire et précise les différents crimes internationaux. Ce premier mécanisme fondateur constituera la genèse d’une vague considérable de conventions et instruments juridictionnels comme non juridictionnels, fortement développée à l’aide de la création de l’ONU (Organisation des Nations Unies) en 1945 qui annonce dès son préambule : « Nous peuple des Nations Unies résolues à proclamer notre foi dans les droits fondamentaux de l’homme ».
Cela permettra, sous la motivation d’instaurer des droits fondamentaux pour construire une paix durable à une échelle plus conséquente, de mettre en place des d’instruments variés. D’abord, des instruments de protection sectorielle des individus (Convention sur le statut des apatrides en 1954 invitant les États à les protéger) mais aussi des instruments de protection à portée générale comme la Déclaration universelle des droits de l’homme (1948), deux pactes internationaux reconnaissant droits civils et politiques et économiques et sociaux (1966), ou encore des instruments de protection à portée régionale : Convention européenne des droits de l’homme (1950), Charte Africaine des droits de l’homme (1981).
De même, ces instruments peuvent s’accompagner par des mécanismes, et notamment une aide matérielle comme opère le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés qui a pour rôle d’assurer une protection internationale des réfugiées, mettant en place des camps de réfugiés à titre illustratif. Mais cette protection peut aussi être assurée par des mécanismes non-juridictionnels, et cela à travers des organismes qui vont rendre des rapports sur des situations et qui peuvent traiter des réclamations des individus. (Conseil des droits de l’Homme ,organes de traités…) comme juridictionnels avec un juge international spécifiquement créé (Cour européenne des droits de l’homme veillant à l’application de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales) ou un juge de droit commun intervenant à une échelle interne.
En ce sens, le statut créant la Cour pénale internationale (par le Statut de Rome de 1998) se révèle particulièrement important puisqu’il dessine les contours de plusieurs crimes internationaux. Son impact est encore majeur comme en témoigne les mandats d’arrêt qu’elle a récemment émis contre des dirigeants d’Israël et du Hamas, Il faut cependant noter que sa portée est encore limitée.
La définition des crimes de guerre : garde fou d’un cadre juridique concret aux contours définis
On parle désormais des crimes de guerre, qui concernent ici la violation des lois et coutumes de guerre , de crimes contre la paix lorsqu’un organisme déclare une guerre d’agression ou encore du crime contre l’humanité définit comme un assassinat ou extermination, réduction en esclavage, déportation et tout autre activité humain commise contre les populations civiles avant ou pendant la guerre. Le crime contre l’humanité est forcément commis à grande échelle. On parle également du crime d’agression qui concerne usuellement l’emploi de la force armée par un État contre un autre État.
Enfin, est créé le crime de génocide qui provient de l’article 2 de la Convention sur le génocide en 1948. Pour appréhender ce terme, il suffit alors de se reporter à la définition donnée : le génocide s’entend de l’un quelconque des actes ci-après, commis dans l’intention de détruire, ou tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel : meurtre de membres du groupe, atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe, soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle, mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe, transfert forcé d’enfants du groupe à un autre groupe.
Il peut être commis en tant de paix comme en tant de guerre et pour que la présence de ce crime soit déterminée, ce crime doit comporter deux éléments. D’abord un élément psychologique : le crime est commis dans l’intention de détruire partiellement ou entièrement un groupe national, ethnique, racial ou encore religieux. Ensuite, un élément matériel. On parle de génocide s’il y a atteinte à l’intégrité physique ou mentale, meurtre, mesures ainsi que punition autant que de l’acte que de l’intention à commettre me génocide (Rwanda Radio des 7 collines).
Une mise en œuvre adaptée mais nuancée du système et de la répréhension des crimes de guerre
Dès lors, un principe de compétence étatique se dégage, enjoignant l’État à être compétent pour juger les auteurs de crimes internationaux . Ainsi, les États faisant partie de la Convention sur le génocide doivent être en mesure de disposer d’une infraction afin de poursuivre les auteurs. Ce mécanisme se retrouve difficile d’application lorsque plusieurs Etats sont compétents : en cas de complications dans ce cadre, un terrain d’entente est distingué et surtout régi par la règle d’extrader ou de poursuivre. Par conséquent, l’Etat arrêtant l’auteur présumé, se doit de l’extrader dans le pays où l’enquête est déjà entamée, ou sinon de le juger lui-même.

Or parfois certaines conventions prévoient un autre mécanisme que la compétence étatique ; soit la création d’une juridiction pénale internationale. Toujours sous l’influence du tribunal de Nuremberg et de Tokyo, au cours des années 1990; ce mécanisme s’est révélé novateur et conséquent dans les processus juridictionnels et de mémoire face à des crimes de masse.
Ces juridictions peuvent revêtir différentes formes. Elles peuvent être des tribunaux pénaux ad hoc, comme le cas de l’ex-Yougoslavie avec le TPIY, suite au massacre de Srebrenica (1991), ou encore le TPIR faisant face au génocide Rwandais (1994); mais aussi des Juridictions pénales internationalisées, imposées lorsque des violations grave se sont manifestées nécessitant une juridiction de ce type : ce fut le cas pour le Sierre Leone en 2002 qui a jugé des personnalités importantes telles que Charles Taylor (président du Libéria s’étant mêlé au conflit pour crime contre l’humanité), mais aussi le cas pour les chambres extraordinaires crée au sein des tribunaux Cambodgiens/Khmers Rouges (2006-2022).
La dernière option s’offrant constitue la compétence de la Cour pénale internationale, apte à juger de n’importe quel crime et n’importe où. Néanmoins, pour que son statut rentre en vigueur et pour juger promptement un État, ce dernier doit avoir signé le statut (pour faire écho à l’actualité, il est pertinent de soulever que la Palestine est membre de la Cour pénale internationale depuis 2015, cela peut potentiellement avoir une incidence considérable quant aux modalités de jugement de son oppresseur).
Bilan
Il est possible de relever l’importance du spectre de Nuremberg, ayant permis de développer les instances internationales de sorte à évoluer en cherchant à construire une paix commune. Comme cela fut le cas en 1945, la question de l’évolution de la société internationale et de ses mécanismes est remise en jeu face aux difficultés auxquelles ce système fait actuellement face.