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Emeline Dirand

Elizabeth “Lee” Miller : Itinéraire d’une mannequin devenue photographe-reporter de guerre

La photo emblématique de Lee Miller, alors dans la baignoire d'Hitler. "Autoportrait Lee Miller" · © Lee Miller


Autrefois mannequin et journaliste de mode, la mémoire de Lee Miller s’illumine particulièrement dans l’Histoire pour son rôle de pionnière du mouvement surréaliste et photographe officielle de l’armée américaine au cours de la Seconde Guerre mondiale. Femme aux multiples vies et talents, l’américaine demeure à ce jour une icône emblématique dans le monde de la photographie en temps de conflits internationaux. Perçue comme étant l’une des plus grandes photojournalistes du XXème siècle, l’américaine rebelle transperce encore le regard du monde, et cela, à travers ses clichés stupéfiants, notamment des camps de la mort, révélant les horreurs de la Seconde Guerre mondiale.


Avant-gardiste à l’âme rebelle et aventurière au parcours atypique


Unique fille d’une famille protestante et cultivée, Lee Miller naît le 23 avril 1907 à Poughkeepsie dans l'État de New York aux Etats-Unis. L’américaine reçoit une éducation d’égal à égal aux côtés de ses deux frères dans un milieu privilégié et progressiste. Son père, photographe amateur, éveillera plus tard en Lee Miller son attrait pour la photographie.


A l’âge de 18 ans, elle part suivre des études d’arts à l'École Nationale Supérieure des Beaux-Arts à Paris, puis poursuit son cursus à l’Arts Students League of New York, à partir de 1927. C’est à ce moment-là que la belle américaine, âgée de 20 ans, est repérée par le fondateur du magazine Vogue, Condé Montrose Nast, et devient par la suite modèle pour les plus grands photographes de l’époque.


En 1932, riche de nombreux contacts dans le milieu, dont Edward Steichen, photographe en chef qui a su lui transmettre les fondamentaux en photographie, Lee Miller décide d’ouvrir son propre studio photo, avec l’assistance de son jeune frère.


« J’aime mieux prendre une photo qu’en être une » - Lee Miller

Ainsi, sa soif de découverte et son côté rebelle l’emmènent à travers le monde. De rencontres en voyages, elle photographie autant les sites archéologiques, le désert d'Égypte, que Picasso.


En 1940, alors installée à Londres et travaillant pour le British Vogue, elle est accréditée par l’US Army pour capturer des images du Blitz, plus précisément les bombardements de Londres menés par l’aviation allemande.


Indépendante et avant-gardiste, la jeune femme est en quête de nouvelles sensations, elle veut être sur le « terrain », au coeur du combat. L’américaine aspire à  ouvrir enfin aux femmes les portes du journalisme de guerre.


C’est alors qu’en 1944, après avoir usé de toute sa détermination et de son entêtement, Lee Miller devient officieusement correspondante dans l’armée américaine.


L’enfer du front


Lee Miller débarque en Normandie en 1944, en tant que reporter photographe pour Vogue, “accréditée” non officiellement auprès de l’armée américaine, les femmes n’étant pas autorisées en zone de conflit.


Elle se fond dans l’armée en étant véritablement un membre à part entière. Durant 10 longs mois, elle vit la peur, les obus, le sang, la faim et la mort. Au fil des jours, elle fait preuve d’une véritable force mentale et physique. Cela lui permettra de transmettre sans fard, à travers ses clichés, la rudesse et la violence du front, une véritable vision de l’enfer, entre les morts, les blessés et les mutilés.


Elle finit par atteindre le front Est, et se heurte à une Allemagne tout juste vaincue. Elle s’exaspère de la « chance » du peuple allemand.


« Aucun n’a jamais admis être nazi… toute cette foutue race est schizophrène. Pour la plupart, ils croient honnêtement qu’ils n’ont rien fait qui les rende responsables de la guerre… » - Lee Miller 

Elle décide alors de ne rien photographier de ce peuple qui la révolte. 


L’horreur des camps de concentration


Après avoir vécu le front, Lee Miller va pénétrer dans les camps. Rien de ce qu’elle a vécu jusque-là ne pouvait l’y préparer. Face à l'innommable, elle reste tétanisée, muette. Elle découvre les conditions inhumaines de détention, les corps décharnés, les dépouilles empilées dans les cours, les fours crématoires et les tas d’ossements.


Puis viennent les convois, remplis de cadavres, à bord desquels elle n’hésite pas à monter afin de photographier les carcasses sans vie et d’en capturer l'extrême violence, pour que le monde puisse savoir et voir ce qu’étaient ces colonies de l’abomination. Elle devient alors l’une des premières photographes à témoigner des crimes commis dans ces lieux.


Après dix jours passés entre Buchenwald et Dachau, Lee Miller et David Scherman, son acolyte reporter, se rendent à Munich, au domicile d’Hitler. Les lieux sont déserts, le monstre s’étant tapi dans son bunker, accompagné de sa femme et de ses chiens. Les deux reporters explorent les moindres recoins de l’appartement et décident d’y rester quelques jours. L’américaine rebelle décide alors d’immortaliser un moment invraisemblable en réalisant son autoportrait, nue dans la baignoire du Führer, ses bottes couvertes de boue et de poussière provenant des camps, souillant la blancheur immaculée du tapis de bain du dictateur. Nombreux seront ceux qui diront que cette provocation contrastée de Lee Miller, racontera l’Histoire.


Le retour


Lee Miller poursuit son métier de photographe par intermittence, et reste active dans le mouvement de l’art surréaliste. Mais ce qu’elle a vécu et vu durant cette longue période de guerre l’a changée à jamais. Au fil des mois, un stress post-traumatique s’installe en elle, conséquence des monstruosités vécues en Europe. Elle se réfugie alors dans l’alcool et dans les médicaments.  


En 1947, elle met au monde un enfant nommé Anthony, né de son union avec Roland Penrose, peintre et photographe. Ils partent s’installer dans le Sussex, en Angleterre. Notamment passionnée par la cuisine, elle remporte plusieurs concours culinaires.  Le 21 juillet 1977, elle meurt chez elle d’un cancer des poumons à l'âge de 70 ans. 


Lee Miller fut une femme indépendante et libre, au parcours tumultueux, emprunt de détermination et de rebellion, qui lui aura permis de briser les conventions et marquer les esprits de toute une époque. 




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