Hiroshima et Nagasaki : l’enfer atomique qui a changé le monde
- Léa Peyrard
- 15 juin
- 6 min de lecture

Faisant plonger le monde dans l'ère du nucléaire, les bombardements d'Hiroshima et Nagasaki, par leurs ampleurs, représentent encore aujourd'hui un point culminant dans le conflit de la Seconde Guerre mondiale.
« Si j'avais su que les Allemands ne réussiraient pas à produire une bombe atomique, je n'aurais jamais levé le petit doigt » ; « J'ai toujours condamné l'utilisation de la bombe atomique contre le Japon, mais je n'ai rien pu faire du tout pour empêcher cette décision fatidique », écrivait Albert Einstein quelques années plus tard à l'un de ses amis japonais, dans une lettre rendue publique en 2005. En effet, si même celui qui a permis la concrétisation de ce bombardement l'a lui-même regretté, le père de cette bombe a affirmé : « Hiroshima a été bien plus coûteuse en vies et en souffrance inhumaine que ce que nous voulions pour arrêter la guerre. Mais c'est plus facile à dire, après coup... ».
Ces deux réflexions illustrent la complexité du processus de réflexion sous-jacent quand une telle décision doit être prise, comportant des enjeux et un contexte déterminant, puisque ces bombardements ont bel et bien eu lieu.
Le bombardement d’Hiroshima et Nagasaki, un point de clivage et une entrée retentissante dans l’ère du nucléaire

En vue des potentielles conséquences de cette décision, notamment par l'ampleur des résultats obtenus lors de simples tests effectués dans le désert du Nouveau-Mexique, il est possible de se demander comment cela a pu avoir lieu ou même être songé.
Or, comme de nombreux événements de cette ampleur, cette réflexion fut le résultat d'une multitude d'appréciations.
En effet, la fin de la guerre s'implanta dès le 8 mai 1945 en Europe avec la capitulation de l'Allemagne nazie, mais ce ne fut pas le cas en Orient et notamment dans le Pacifique. Le Japon refuse catégoriquement de se rendre.
Cette décision prend alors forme sous la motivation d'une guerre totale, avec une guerre sous-marine à outrance des « Fleet boats » américains, des bombardements stratégiques des B-29 à partir de la base de Tinian et finalement le minage des ports (opération Starvation »). Une exigence de reddition inconditionnelle s'impose pour les États-Unis et de la part des Japonais, mais celle-ci ne prendra jamais forme, et cela même avec les bombardements de Tokyo en mars 1945.
Dans la nuit du 9 au 10 mars 1945, 334 B-29 larguent 1700 tonnes de bombes, détruisent 30 km² et causent 100 000 morts dans une « tempête de feu ». Puis de mars à mai, la destruction de la moitié de la surface urbaine de la capitale et de ses faubourgs prend lieu, espérant affaiblir, et même aboutir à l'abandon du conflit par le Japon. Ces épisodes destructeurs aboutiront à 400 000 morts civiles, mais ne découragent pas l'effort de guerre des Japonais. C’est tout l'inverse, puisque le sort de la guerre est envisagé désormais comme une question d'honneur vis-à-vis de l'empereur, il n'est donc pas question de renoncer sous quelconque prétexte.
De même, ce fut une conséquence du souhait potentiel de l'Armée rouge d'attaquer le Japon après la victoire sur l'Allemagne et finalement, un produit direct de la lettre Einstein-Szilárd (rédigée par Leó Szilárd, Edward Teller et Eugene Wigner puis signée par Albert Einstein) adressée au président américain Roosevelt en août 1939 en lui faisant part de leurs préoccupations. En effet, à l'approche de la guerre et apprenant que des chercheurs allemands au service du parti nazi useraient de la technologie nouvellement découverte pour créer des armes, les rédacteurs exhortent le gouvernement américain à stocker du minerai d'uranium et à accélérer leurs propres recherches sur le sujet. Par l'effet de l'autorité du nobélisé ayant signé le document, dès octobre 1939, mois où les mots du scientifique lui sont lus, Franklin D. Roosevelt crée le Comité consultatif pour l'uranium, prémices du « Projet Manhattan », bien qu'il ne sera l'aboutissement mais le président Truman lui succédant poursuivra ce projet.
Le processus de construction est pharaonique avec à sa tête le physicien américain Robert Oppenheimer, qui deviendra le « père de la bombe nucléaire », et qui, grâce à ses équipes, ont réussi à concevoir la fission de l'uranium et du plutonium dans le laboratoire de Los Alamos au Nouveau-Mexique.

Cela aboutira finalement au bombardement à la base militaire d’Hiroshima, en date du 6 août 1945 bombardée par Little boy. Cette bombe rasera l’intégralité des infrastructures sur un rayon de 2km et provoquera un vif flash lumineux, causant instantanément un funeste bilan humain s’élevant à 70 000 morts. En tout, l’explosion fera près de 140 000 victimes.
Puis ce sera au tour de Nagasaki, qui fut dans la nuit du 9 au 10 août foudroyé par la bombe Fat Man faisant en tout 80 000 morts. Les habitants sont foudroyés sur le coup par les rayons atomiques, donnant une impression de jour en pleine nuit, ou tous meurent progressivement suite aux désastres des radiations sur leurs corps (brûlures, cancers, victimes succombent aux suites de l'exposition et aux radiations et certains de leurs enfants souffrirent de pathologies liées aux radiations).
Et c'est par cette étape macabre et destructrice que le Japon accepta finalement les conditions de la reddition.
L’après de la catastrophe : un Japon meurtri entre acceptation et dépassement
Hirohito, empereur du Japon de 1926 à 1989, annonce la capitulation de son pays le 2 septembre 1945 après que celui-ci a été mis à genoux par les bombardements atomiques de Hiroshima et de Nagasaki mais cela marquera également la tutelle imposée des États-Unis d’Amérique.

L’histoire du Japon au 20e siècle : un pilier du traitement de son histoire dans un contexte marqué par ses enjeux
Cet événement par son ampleur et ses conséquences est indissociable de l'émergence du Japon moderne. À une échelle moindre, mais tout de même considérable, l'intégration de ces pans de l'histoire au sein des manuels scolaires japonais diffère en passant simplement de manière succincte sur les événements marquants et en ne les liant pas forcément entre eux, et ils sont surtout marqués par une censure des parties les plus houleuses. hvjv ajouter paragraphe
À titre comparatif, l'Allemagne fait rapidement saisir d'un devoir de mémoire au point qu'encore aujourd'hui le nazisme en Allemagne est le 1er sujet auquel les élèves allemands font référence quand on leur demande ce qu'ils étudient en histoire !
Il est possible de distinguer un refoulement majeur qui s'explique par le fait que le passé et le passif de cette sombre période sont entremêlés et liés au destin national actuel du pays.
Cette difficulté à intégrer ces épisodes relatifs à son passé militariste et colonial dans son histoire, et même la catastrophe d'Hiroshima et de Nagasaki, est fondamentale pour comprendre le contexte. Tout comme en Allemagne, l'intégralité des responsables ne sont évincés du pouvoir et en réalité une bonne partie d'entre eux figurent encore parmi les figures d'autorité de l'État. Il est ainsi compliqué de remettre en question l'intégralité des actes menés par le Japon, une bonne partie de ces dirigeants les ayant précédés, ayant plus ou moins directement dirigé ces politiques.
Par ailleurs, la mémoire collective a du mal à intégrer cette période par la violence des bombes atomiques et de la guerre en général de manière explicite. Or, et progressivement, ce refoulement toujours marqueur de la société japonaise, a su se retranscrire dans la génération suivante et dans des aspects plus ou moins atypiques notamment au niveau du 7 ème art à titre illustratif. En effet, à travers le film Godzilla ou encore Astro Boy , ces figures aujourd'hui bien connues ont permis de remuer et de retranscrire les enjeux sous-jacents précédemment vécus, avec « Astro Boy » faisant directement référence à la bombe atomique par exemple. Cela a ainsi impacté les sources et inspirations propres au cadre de l'animation et des mangas contribuant plus ou moins à construire une mémoire collective.
Ces difficultés suivant le conflit représentent les enjeux sous-jacents des contextes post-conflit/post-guerre. Cela illustre l'importance du travail de mémoire post-conflit aussi bien pour les pays ou communautés concernées que pour les sociétés qui n'ont plus directement vécu de guerre civile ou internationale depuis longtemps. Ayant été distingué comme un pilier de paix et d'apaisement, la construction de cette mémoire et la transmission des récits s'établissent rarement de manière spontanée et libre, étant souvent entravées par des détournements de la mémoire à des fins conflictuelles et expliquées par les enjeux épineux impliqués.