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L’internement des Nippo-Américains après Pearl Harbor : quand la paranoïa d’une nation poignarde une communauté

Larissa Rahelison


« On ne veut pas des Japs » - Une famille japonaise revenant à leur domicile à Seattle, Washington, après leur internement dans un camp dans l’Idaho, mai 1945 · © Auteur inconnu / Densho Encyclopedia
« On ne veut pas des Japs » - Une famille japonaise revenant à leur domicile à Seattle, Washington, après leur internement dans un camp dans l’Idaho, mai 1945 · © Auteur inconnu / Densho Encyclopedia

Un épisode méconnu dans l’histoire américaine après l’attaque de Pearl Harbor durant la Seconde Guerre mondiale : l’internement de 120 000 personnes d’origine japonaise. Toutes ont été dispersées dans plusieurs camps d’internement localisés sur le territoire américain. L’enclenchement d’un chapitre douloureux et conflictuel impliquant les États-Unis et le Japon, allié de l’Allemagne, s’ouvre fin 1941, blessant une communauté innocente : les Nippo-Américains.



Bombardement de la base militaire américaine Pearl Harbor : quand les États-Unis entrent en guerre contre le Japon


Une déclaration de guerre s’est officialisée à la suite de l’attaque de la base militaire américaine de Pearl Harbor à Hawaï le 7 décembre 1941. La décision du Japon quant au largage d’un bombardement sur un territoire militaire américain a précipité la décision des États-Unis.


Ces derniers décident d’affronter le Japon, aussi connu comme étant l’un des alliés de l’Allemagne nazie durant la Seconde Guerre mondiale. L’enclenchement de cette guerre conflictuelle entraînera bien plus qu’un conflit militaire entre les deux adversaires.


Entre peur, préjugés et paranoïa en plein cœur des terres américaines en temps de guerre, les citoyens américains d’origine japonaise porteront principalement le statut de « menace » pour les États-Unis. Ces doutes incessants envers les Nippo-Américains les mèneront notamment vers des conséquences atroces, aussi bien physiques que psychologiques.



Un Américain d’origine japonaise est un « traître » pour la nation américaine


Suivant les évènements passés durant l’attaque de la base militaire de Pearl Harbor à Hawaï ainsi que le climat politique et social américain qui alourdissent l’atmosphère des États-Unis, les citoyens s’engouffrent dans un flot de suspicion et de paranoïa envers la communauté Nippo-Américaine. Ces lourdes tensions ont poussé le gouvernement à entreprendre des décisions radicales.


Peur, paranoïa et préjugés aux États-Unis : un seul coup de signature de Roosevelt pour la naissance de camps de la honte


Le 19 février 1942, deux mois plus tard, après l’attaque de Pearl Harbor, le président américain Franklin D. Roosevelt signe le « Décret Exécutif 9066 ». Ce dernier autorise les États-Unis à interner toutes les personnes d'origine japonaise dans des camps de concentration.


En appliquant ce décret, cela permettait aux États-Unis d’apaiser leur peur ainsi que leur doute quant à la présence de potentiels « traîtres » au sein de la communauté nippo-américaine pouvant s’allier au Japon.


Arrestations et incarcérations des Nippo-Américains


Dès la validation du décret actée par la simple signature du Président américain Franklin D. Roosevelt, quelques jours plus tard, en ciblant différents quartiers de la Californie, de l’État de Washington ou de l’Arizona, de nombreux agents du FBI et soldats américains ont arrêté près de 1 300 personnes d’origine japonaise. Ces dernières ont également été contraintes de suivre des obligations complémentaires avant leur envoi vers les camps de concentration, notamment la vente de leur maison et la transmission de leur démission.


Trois garçons derrière des barbelés au Manzanar War Relocation Center, l'un des dix camps dans lesquels les États-Unis incarcérèrent des personnes d'origine japonaise pendant la Seconde Guerre mondiale · © Photographie de Toyo Miyatake
Trois garçons derrière des barbelés au Manzanar War Relocation Center, l'un des dix camps dans lesquels les États-Unis incarcérèrent des personnes d'origine japonaise pendant la Seconde Guerre mondiale · © Photographie de Toyo Miyatake

Au fil des mois, près de 120 000 personnes, dont deux tiers des personnes portant la nationalité Nippo-Américaine, furent déportées dans des camps d’internement.


Parmi ces prisonniers, des milliers de familles ont été enfermées derrière des fils barbelés pendant plusieurs années.



Des conditions de vie effroyables pour les Nippo-Américains


Les camps de concentration, aussi qualifiés comme étant des camps de « réinstallation », où les conditions de vie étaient déplorables.


Quelques survivants de ces camps ont notamment pu partager les réalités ainsi que leur ressenti quant à cette période sombre de l’histoire nippo-américaine durant la Seconde Guerre mondiale.


Des camps d’internement cauchemardesques


Aux États-Unis, entre le camp d’internement de Manzanar en Californie et le camp de concentration à Poston en Arizona, tous ces lieux conçus pour les prisonniers Américains d’origine japonaise n’arboraient aucun signe de confort. Des pièces lugubres de seulement 45 m² et dans lesquelles des familles de 7 personnes, toutes immatriculées, étaient entassées ensemble.


Ce sont les souvenirs de nombreux Nippo-Américains, marqués au fer rouge par les conditions effroyables de ces lieux maudits. Une manière de cohabiter qui fut épouvantable, et cela durant plusieurs années.


« Nous étions des citoyens américains, mais le gouvernement a décrété : «  Quelle que soit votre nationalité, vous avez obtenu la citoyenneté américaine, mais vous restez japonais. Nous ne pouvons pas vous faire confiance. » - Paul Kitagaki Jr.

Au sein de ces mêmes familles d’origine japonaise, la plupart d’entre elles impliquaient également des détenus mineurs. 


Parmi les nombreux camps de concentration implantés aux États-Unis pour l’emprisonnement des Nippo-Américains, l'hippodrome de Santa Anita, localisé à Los Angeles, fut le plus vaste des centres. Celui-ci renfermait plus de 18 000 internés dans des écuries, engendrant notamment des conditions de vie semblables à celles d'un animal.



Juin 1942 : victoire de la bataille de Midway : quand les doutes d’une attaque japonaise se dissipent

Alors que la Seconde Guerre mondiale ne cesse de s’étendre aux quatre coins du monde, du côté des États-Unis, une victoire a quelque peu changé le cours de l’histoire, ou du moins, la vie de certains Nippo-Américains.


En juin 1942, la victoire des américains durant la bataille de Midway fut un signe d’espoir et d’apaisement entre les États-Unis et la communauté Nippo-Américaine. En assimilant l'événement précédent de l’attaque du Japon sur la base militaire de Pearl Harbor en 1941, la bataille de Midway a permis de réduire les doutes, peurs et paranoïas envers les américains d'origine japonaise.


Des camps toujours actifs et les mois devenaient des années…


Malgré la victoire des États-Unis dans la bataille de Midway en 1942, cela n’a pas garanti la fermeture des camps de concentration. Seuls quelques Nippo-Américains perçus comme étant loyaux furent libérés, tandis que d’autres demeuraient encore entre les murs et les fils barbelés des camps. Plus le temps s’écoulait, plus les mois devenaient des années. L’enfermement des prisonniers Nippo-Américains fut incessant et dénué d’espoir, à tel point que plus de 5 000 enfants naquirent en détention et près de 2 000 détenus perdirent la vie, sans jamais avoir connu le goût plaisant de la liberté. 



Peu de soldats pour la nation américaine : la création d’unités constituées de Japonais-Américains


En plein cœur d’une guerre impliquant le sacrifice de nombreux soldats sur les champs de bataille, la Seconde Guerre mondiale éveilla dans l’esprit du Président Roosevelt de nouvelles décisions.


Dès leur engagement dans la guerre, l’armée américaine a commencé à percevoir le manque de soldats. À contrecœur, le gouvernement américain prit l’initiative de créer de nouvelles unités dans lesquelles des soldats Nippo-Américains s'engageraient pour la nation américaine.


Prouver sa loyauté envers les États-unis : un bataillon et un régiment d’infanterie mixtes


Des milliers de jeunes Nippo-Américains internés dans les camps de concentration s’engagèrent sans hésitation dans l’armée américaine. Pour ces personnes d’origine japonaise, il s’agissait là d’une opportunité unique de prouver leur loyauté envers les États-Unis.


« En plus de combattre l’ennemi, nous avions tous un objectif : celui de racheter notre nom, de faire respecter notre honneur. Il n’était quasiment pas envisageable d’échouer. Il nous fallait réussir. » - Daniel Inouye

Roosevelt mis en œuvre plusieurs unités complémentaires dans lesquelles des soldats Nippo-Américains allaient être envoyés au front.  Le 100ème bataillon d'infanterie, envoyé en Europe, ainsi que le 442ème régiment d’infanterie comportaient des soldats Japonais-Américains volontaires.


Des prisonniers Nippo-Américains contre l'engagement militaire


Certains prisonniers Nippo-Américains refusèrent, malgré l’opportunité de sortir des camps, de s’engager pour l’armée américaine, ressentant une grande haine envers les États-Unis pour les avoir enfermés durant plusieurs années tels des animaux de ferme. 


D’autres détenus appliquaient des conditions avant leur engagement au sein de l’armée : la libération des membres de leur famille.



Quand les séquelles du passé forgent une nation éveillée


Bien que la clotûre des camps en 1946 (date du dernier camp à avoir été fermé : le 20 mars 1946) ait permis la libération de nombreux détenus Nippo-Américains, pour bon nombre d’entre eux, des cicatrices physiques et psychologiques n’ont pas pu disparaître à ce jour.


Cette histoire dans les mémoires de la nation américaine demeure non seulement et pour toujours dans le cœur et l’esprit des prisonniers Nippo-Américains, mais également dans le sang des nouvelles générations au sein de la communauté Américano-japonaise. 


Pourtant, aux yeux de certains Nippo-Américains de la nouvelle génération, malgré le mal et l’inhumanité des États-Unis envers les personnes d’origine japonaise durant la Seconde Guerre mondiale, la nation américaine d’aujourd’hui est bien plus ouverte d’esprit. De nos jours, les Américains peuvent ressembler à n’importe qui, et cela, quelles que soient leurs origines ou l’aspect de leur arbre généalogique.



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