La conférence de Yalta : la naissance d’un nouvel ordre mondial
- Aude Boyer
- il y a 2 heures
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Alors que l’Allemagne nazie est proche de la défaite et que l’Armée rouge se trouve déjà en Europe centrale, W. Churchill, F. Roosevelt et J. Staline se réunissent au bord de la mer Noire, en Crimée, et plus précisément à Yalta, afin de poser les bases de la paix et de prévenir une nouvelle guerre. La conférence de Yalta représente la continuité de la conférence de Téhéran et précède celle de Potsdam.
Des décisions majeures pour organiser l’après-guerre
Du 04 au 11 février 1945, les « Trois Grands » se sont donc réunis à l’occasion de la conférence de Yalta. En effet, plusieurs décisions importantes en ont résulté, comme entre autres, le sort de l’Allemagne.
« D’après les plans sur lesquels nous nous sommes mis d’accord, les forces des trois puissances occuperont chacune des zones différentes de l’Allemagne. »
(Communiqué de la conférence de Yalta, 12 février 1945, BNF Gallica).
Ainsi, l’une des décisions les plus déterminantes de la conférence réside dans la division de l’Allemagne en quatre espaces : le Nord-Ouest sous le contrôle des États-Unis, le Nord-Est de l’URSS, le Sud-Est du Royaume-Uni et le Sud-Ouest de la France. De ce fait, la France n’a pas participé à la conférence de Yalta car elle n’était pas symboliquement considérée comme un État vainqueur de la Seconde Guerre mondiale. De plus, Roosevelt nourrissait alors une certaine hostilité envers le général de Gaulle. Également, la conférence de Yalta a abouti à la destruction du militarisme allemand afin que « l’Allemagne ne soit plus jamais en mesure de troubler la paix du monde » (communiqué de la conférence de Yalta, 12 février 1945, BNF Gallica). Dans cette continuité, il a été convenu de la nécessité de juger les criminels allemands en organisant des procès, comme les célèbres Procès de Nuremberg, qui se sont déroulés de 1945 à 1946 et qui ont abouti à la condamnation d’Herman Göring, Rudolf Hess ou encore Albert Speer.
Également, la conférence de Yalta a permis de poser les bases d’un nouvel ordre international avec notamment le projet de création de l’ONU, dossier notable de Roosevelt lors de la conférence. En effet, son objectif était de réussir à créer une véritable organisation, là où Wilson avait échoué avec la Société des Nations. Toutefois, un problème se pose : quels États sont légitimes à faire partie du Conseil de Sécurité ? Ainsi, il a été décidé que le Conseil de Sécurité comporterait 5 membres permanents avec un droit de veto, à savoir les États-Unis, l’URSS, le Royaume-Uni, la France et la Chine. Finalement, la création de l’ONU est actée en juin 1945 à l’occasion de la conférence de San Francisco.
Ensuite, une autre décision importante réside dans la promesse d’instauration d’élections libres dans les États libérés et la mise en place d’un gouvernement provisoire en Pologne, en attendant les élections. En revanche, ce gouvernement provisoire est pro-soviétique, ce qui permet à Staline d’y voir son influence sur la Pologne. Contre cela, les Américains et les Anglais imposent l’élargissement de ce gouvernement à des représentants démocrates.
Enfin, Staline promet d’entrer en guerre contre le Japon dans les trois mois après la capitulation allemande, en échange de concessions territoriales en Asie.
De l’application partielle aux limites flagrantes
Bien que de nombreuses décisions aient été prises, leur application et leur impact restent à nuancer. En effet, la création de l’ONU, l’une des décisions les plus importantes de la conférence de Yalta, reste encore à ce jour un véritable succès global. Ainsi, tout se déroule comme prévu, les cinq membres permanents possèdent chacun leur droit de véto et l’organisation ne tarde pas à devenir un acteur-clé des relations internationales, même si elle est rapidement freinée par la guerre froide.
En revanche, du côté de l’Allemagne, la division en quatre zones est plus profonde que prévue. En principe, le projet prévoyait une Allemagne unifiée, mais occupée par les quatre grandes puissances. Dans la pratique, des désaccords de plus en plus importants ont commencé à émerger entre les Occidentaux et les Soviétiques, rendant l’unité impossible. Finalement, vont véritablement naître deux États allemands à part entière : le bloc de l’Est et le bloc de l’Ouest. En 1949, la RFA et la RDA sont fondées, marquant un tournant définitif dans l’entente américano-soviétique.
Également, la promesse des élections libres en Pologne n’a pas été tenue, ou du moins pas dans le sens propre du terme. Dans les faits, il y a bel et bien eu des élections. Toutefois, elles ont été trafiquées par Staline, comme l’affirme Stanislaw Mikolajczyk. En effet, selon lui, le dirigeant de l’URSS a choisi la date des élections et le nombre exact de voix attribuées à chaque parti. De ce fait, cela crée une crise majeure de confiance entre l’Est et l’Ouest, remettant de nouveau la Pologne dans une situation complexe.
Parallèlement, les aboutissements de la conférence de Yalta peuvent être considérés comme les prémices de la guerre froide. En effet, l’Armée rouge, qui avait « libéré » les pays d’Europe occidentale, se retrouve à imposer des régimes communistes partout en Europe de l’Est, comme en Hongrie, en Tchécoslovaquie ou encore en Roumanie. Ainsi, ces pays deviennent des « démocraties populaires » sous tutelle de l’URSS, soit des États satellites.
« Un rideau de fer s'est abattu sur le continent. »
(W. Churchill, 1946)
Ainsi, les accords de Yalta semblent reposer sur un mélange de méfiance et de confiance, créant un équilibre incertain, couronné d’idéologies incompatibles. De ce fait, même si Roosevelt espérait pouvoir collaborer avec Staline, son décès quelques mois après le 12 avril 1945 complique les choses. Son successeur, H. Truman applique une attitude plus ferme avec Staline, posant les bases de la guerre froide.
En résumé…
Il est indéniable que la conférence de Yalta a permis de créer un ordre mondial au travers de l’ONU, et a abouti au démembrement du militarisme allemand. En revanche, l’application des accords est à nuancer, allant même jusqu’aux débuts de la guerre froide.