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La rafle du Vel’ d’Hiv’



Monument situé place des Martyrs juifs du Vélodrome d'hiver à Paris - Oeuvre du sculpteur Walter Spitzer et de l'architecte Mario Azagury 1994 ·  ©  Jean-Pierre Dalbéra / Domaine public
Monument situé place des Martyrs juifs du Vélodrome d'hiver à Paris - Oeuvre du sculpteur Walter Spitzer et de l'architecte Mario Azagury 1994 ·  ©  Jean-Pierre Dalbéra / Domaine public

Les 16 et 17 juillet 1942, en plein Paris, un événement d’une incommensurable atrocité s’est inscrit à jamais dans l’histoire de notre pays : la rafle du Vélodrome d’hiver. Plus connue sous le nom de rafle du Vel’ d’Hiv’, cette effroyable opération de collaboration avec l’Allemagne nazie a conduit à l’arrestation de plus de 13 000 Juifs, dont 4115 enfants. Pour ne jamais oublier, revenons sur ce terrible chapitre de notre histoire.


Contexte historique 


Le 22 juin 1940, la France est défaite face à l’Allemagne et signe l’armistice. Le régime de Vichy, gouverné par le maréchal Pétain, est instauré le 10 juillet 1940. Engagé dans une politique de pleine collaboration avec l’occupant nazi, le gouvernement met rapidement en place, de son propre chef, des lois antisémites à l’encontre des Juifs (statuts des Juifs d’octobre 1940 et juin 1941).


Au printemps 1942, la persécution et l’hostilité à l’encontre des Juifs montent en puissance : Hitler décide la mise en œuvre de la « Solution finale » à toute l’Europe et réclame à la France, à la Belgique et aux Pays-Bas, 90 000 juifs en âge de travailler. Le gouvernement de Vichy doit en livrer 40 000.


Organisation de la rafle


Collaboration et directives allemandes


En juin 1942, des négociations cruciales ont lieu entre l’Allemagne, représentée principalement par Theodor Dannecker, SS-OBERSTURMFÜHRER chef du Service des Affaires juives de la Gestapo en France, et les représentants du régime de Vichy, majoritairement René Bousquet, secrétaire général de la police française. Par manque d’effectif et par souci de mieux faire passer la manœuvre auprès de la population, l’occupant souhaite que l’opération soit menée par les forces de l’ordre françaises.


Un accord est conclu le 2 juillet 1942. Le régime de Vichy s’engage pleinement à procéder à l’arrestation et la déportation de Juifs, sous réserve de choisir les victimes en fonction de leur nationalité. Le viseur est d’abord pointé sur les étrangers réfugiés sur le territoire français, qui n’ont pas d’État pour prendre leur défense. Cependant un problème se pose rapidement : ces immigrés russes, allemands, tchèques, autrichiens, polonais ou apatrides, en situation légale sur le territoire, ont pour la plupart des enfants qui, eux, sont français.


Bien qu’ayant connaissance du sort funeste qui les attend, et sous couvert d’argument de ne pas vouloir séparer les familles, Pierre Laval, chef du gouvernement de Vichy, prend la décision de livrer 4115 petits Juifs français à l’occupant.


Planification française


La Préfecture de police de Paris est chargée par les autorités allemandes et le gouvernement de Vichy d’organiser et d'exécuter la rafle. Mobilisant plus de 4500 policiers et gendarmes français, 27 400 fiches d’arrestation sont établies à partir de recensements antérieurs. Des instructions précises sont données, ordonnant à la police de procéder aux arrestations directement au domicile des victimes, de préférence très tôt le matin, sans discussion possible, et de les conduire vers les différents centres de tri préalablement choisis. Les victimes doivent être réparties entre le Vélodrome d’Hiver, pour les familles avec enfants de moins de 16 ans, et le camp de Drancy avec déportation immédiate, pour les personnes célibataires de plus de 16 ans. Des dizaines de bus sont mobilisés auprès de la Compagnie du Métropolitain, et des véhicules de police sont prévus pour encadrer le transport des personnes arrêtées.


Le 16 juillet 1942 à 4h du matin, la plus grande rafle à l’encontre des Juifs sur le territoire français est lancée par la Préfecture de police de Paris.


Rassemblement au Vélodrome d’Hiver


Choisi comme lieu de détention temporaire, 8160 Juifs, dont 4115 enfants, sont entassés pendant cinq jours et six nuits dans le temple du sport parisien. Non conçu pour servir de lieu de détention à des milliers de personnes, les conditions deviennent très rapidement totalement insalubres et effroyablement inhumaines. 


En plein juillet, le toit en verre transforme très vite l’intérieur du lieu en une véritable fournaise, les températures explosent et il devient difficile de respirer, les conduits d’aération ayant été bloqués et limitant la ventilation à son minimum. 


Les installations sanitaires, en nombre très insuffisant pour une telle population, sont rapidement obstruées, les rendant inutilisables et créant des conditions d’insalubrité effroyables, dans une odeur pestilentielle insupportable. 


L'approvisionnement en eau et en nourriture est pratiquement inexistant et très insuffisant, les détenus souffrent de soif et de faim pendant plusieurs jours, exposant particulièrement les nourrissons et les jeunes enfants à de terribles souffrances. 


Seuls quelques médecins ont l’autorisation d’entrer dans le vélodrome, rendant les soins médicaux quasiment inexistants pour la majorité des malades, des blessés et des enfants.


Durant cinq jours et six nuits, l’angoisse, la peur et le désespoir sont omniprésents. Face aux conditions inhumaines de détention, à l’incertitude de leur avenir, au déchirement des familles et à l’abandon forcé des enfants, les victimes sont plongées dans une détresse psychologique extrême, les poussant, pour certaines, jusqu’au suicide. 


Transfert vers les camps, l’abandon des enfants


Du 19 au 22 juillet, les familles du Vél’ d’Hiv’ sont transférées vers les camps d'internement de Drancy, Pithiviers et Beaune-la-Rolande, antichambres de la déportation vers les camps d'extermination. Dans un premier temps, ce sont les adultes et les adolescents qui doivent partir, laissant à l'abandon sur place, 3000 enfants en bas âge, dans une détresse et un chaos indescriptibles.


Littéralement arrachés à leurs parents dans des scènes inhumaines, ces milliers de petits, dont certains ne sont que des nourrissons, se retrouvent livrés à eux-mêmes, seuls, sans aucune protection ni aucun réconfort. Quelques adultes encore sur place, eux aussi dépassés et terrifiés tentent tant bien que mal de leur venir en aide. 


Mais ces milliers d’orphelins, privés de soins et de ressources de base, souffrent de faim, de soif, de l’absence de leurs parents, ainsi que de la propagation rapide des maladies, dans cet environnement pernicieux, aux conditions de vie désastreuses. Livrés à eux-mêmes, les enfants sont plongés dans un état de sidération, de peur, de confusion et d'incertitude permanente. Les pleurs et les cris sont constants, plus rien ne peut apaiser ces petits êtres totalement démunis.


Ce chaos total va durer de longs jours avant que les enfants ne soient transférés à Drancy, où les conditions ne seront guère meilleures, leurs parents ayant déjà été déportés vers la mort.


Entre le 17 et le 31 août 1942, malgré quelques tentatives isolées de sauvetage venant de l'extérieur, les enfants sont déportés vers Auschwitz-Birkenau où ils sont assassinés. Sur les 4115 petites âmes, aucune n’a survécu.


Jardin mémorial des enfants du Vél’ d’Hiv’ - rue Nélaton à Paris ·  ©  Jean-Pierre Dalbéra / Domaine public 
Jardin mémorial des enfants du Vél’ d’Hiv’ - rue Nélaton à Paris ·  ©  Jean-Pierre Dalbéra / Domaine public 

Le devoir de responsabilité et de mémoire


Tâche indélébile de l’histoire de la France, l'exécution de la rafle du Vél’ d’Hiv’ et le crime d’abandon de ces 4115 si jeunes enfants après la déportation de leurs parents, souligne la cruauté et la déshumanisation extrêmes de cette opération. 


En acceptant de collaborer activement avec l’occupant nazi dans la persécution ultime des Juifs, la France a écrit une des pages les plus sombres de son histoire. Aujourd’hui encore, elle soulève des questions essentielles sur la responsabilité, la mémoire et la transmission. Longtemps niée par l'État français, l’implication du régime de Vichy dans les crimes de persécution et de déportation des Juifs de France n’a été reconnue officiellement qu’en 1995, par le président Jacques Chirac. 


Démoli en 1959, le Vélodrome d’Hiver a laissé place à diverses constructions et lieux de commémoration en hommage aux victimes. Un Jardin mémorial des enfants du Vél' d'Hiv' situé au 7 rue Nélaton, à l'emplacement de l'ancienne entrée du Vélodrome, abrite un mur portant les noms des enfants déportés lors de la rafle, afin qu’ils ne soient jamais oubliés.


Mur des enfants déportés de la Rafle du Vél’ d’Hiv’  ·  © Benoît Prieur / Creative Commons
Mur des enfants déportés de la Rafle du Vél’ d’Hiv’  ·  © Benoît Prieur / Creative Commons

La mémoire des victimes de la rafle du Vél' d'Hiv', ainsi que de toutes les rafles qui ont été perpétrées par l’État français durant la Seconde Guerre mondiale, est un devoir, un appel constant à la responsabilité et à la défense des valeurs humaines, pour que jamais plus une telle ignominie ne se reproduise.



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