La Reichstagsbrandverordnung est un décret du président du Reich paru le 28 février 1933 pour la protection du peuple et de l'Etat faisant suite à l'incendie du Reichstag à Berlin survenu la veille. Elle est la première disposition législative qui annule l'essentiel des libertés civiles et politiques établies par la Constitution et qui permet l'établissement du pouvoir total des nazis, notamment grâce à l'élimination de leurs opposants réels ou potentiels.
Contexte
Le 27 février 1933, six jours avant les élections parlementaires, un incendie se déclare dans les salles du palais du Reichstag.
Très vite, Hitler et ses partisans exploitent cet événement pour consolider leur pouvoir malgré les circonstances de l'incendie encore inexpliquées. L'incendie est présenté comme le signal d'une " insurrection communiste ", ce qui crée pour des millions d'Allemands la peur d'une révolution. Les autorités publient un rapport officiel mensonger qui mentionnait :
" l'incendie du Reichstag était prévu comme le signal d'une sanglante insurrection et d'une guerre civile. Le pillage à grande échelle de Berlin était planifié. […] Il a pu être déterminé que […] à travers toute l'Allemagne, des actes de terrorisme auraient commencé contre les individus notables, la propriété privée, les vies et la sécurité de la population pacifique, et que la guerre civile devait faire rage ".
(Joachim C. Fest, Hitler, 1974)
Le lendemain de l'incendie, à la suite de négociations avec le ministre prussien de l'Intérieur, Hermann Göring, le décret est présenté au gouvernement du Reich qui le signe. Le décret rentre en application le même jour sous la dénomination officielle : la Verordnung des Reichspräsidenten zum Schutz von Volk und Staat vom 28 Februar 1933.
Dispositif du décret
Base juridique
Le décret s'appuie sur l'article 48 de la Constitution, qui donne le droit au président de prendre toute mesure appropriée pour sauvegarder la sécurité publique.
Contenu
La Reichstagsbrandverordnung comprend six articles :
l'article 1 suspend la plupart des libertés civiles garanties par la république de Weimar, comme par exemple la liberté de personnes, la liberté d'expression, la liberté de la presse, le droit à l'association et aux réunions publiques, la confidentialité des communications postales et téléphoniques, protection du domicile et des propriétés ;
les articles 2 et 3 transmettent au Gouvernement du Reich certaines prérogatives normalement dévolues aux Länder ;
les articles 4 et 5 établissent des peines très lourdes pour certains délits particuliers, telles que la peine de mort pour l'incendie de bâtiments publics ;
l'article 6 dispose que le décret prend effet le jour de sa proclamation.
Conséquences
Le décret n'est accompagné d'aucune circulaire d'application par le gouvernement ce qui permet la plus grande liberté d'interprétation, notamment pour Göring qui est à la tête de la plus grande force de police en Allemagne.
Les Länder, Etats fédérés d'Allemagne, qui ne sont pas encore sous le contrôle des nazis, se limitent généralement à interdire la presse communiste, les manifestations et réunions communistes, et à arrêter quelques dirigeants du KPD, Parti communiste en Allemagne.
En revanche en Prusse, Land où exerce Göring, les arrestations des membres du KPD sont courantes. Dans les deux semaines qui suivent l'incendie, plus de dix mille arrestations ont lieu sur la base du décret.
C'est au cours de l'une de ces arrestations que le président du Parti communiste d'Allemagne, Ernst Thälmann est arrêté. Certains membres fondateurs parviennent à s'exiler, comme Wilhelm Pieck et Walter Ulbricht et deviennent par la suite des figures importantes de la République démocratique allemande.
Le 3 mars 1933, le ministre de l'Intérieur de la Prusse publie une directive destinée à la police prussienne. Cette directive abolie, en plus des droits constitutionnels, toutes les restrictions sur les actions de police imposée par les lois du Reich et du Land si cela est nécessaire à l'application des objectifs du décret. Göring explique que les mesures supplémentaires viseront les communistes dans un premier temps, et tous ceux qui collaborent avec eux.
Moins de trois mois après la proclamation du décret, les nazis font adopter la loi des pleins pouvoirs. Cette loi donne au gouvernement d'Adolf Hitler le pouvoir légal d'instaurer les lois sans vote du parlement.
La Reichstagsbrandverordnung est l'une des étapes clés par lesquelles les nazis détruisent la séparation des pouvoirs et établissent une dictature.
Le décret reste en vigueur jusqu'à ce que les alliés l'abrogent en 1945 à la suite de la capitulation de l'Allemagne.