
Il y a plus de 85 ans, la Seconde Guerre mondiale a bouleversé le monde, laissant derrière elle des pays détruits et des millions de morts. Afin d’éviter qu’un tel événement ne se reproduise, les pays vainqueurs, à savoir les États-Unis, l’URSS et la Grande-Bretagne, décident de redessiner les frontières. Ainsi, cet article explore la question des frontières qui ont changé et leur impact géopolitique mondial.
Les changements majeurs de frontières en Europe
Les vainqueurs de la guerre, réunis lors des conférences de Yalta et de Potsdam, redessinent la carte de l’Europe pour rétablir un équilibre géopolitique et éviter de nouveaux conflits. Ces décisions redéfinissent les contours de nombreux pays, notamment en Europe centrale et orientale, marquant la naissance d’une nouvelle ère, dominée par les tensions entre l’Est et l’Ouest.
L’Allemagne
C’est lors de la conférence de Yalta en février 1945 que les décisions préliminaires sur la division de l’Allemagne sont discutées. Tenu en Crimée, ce sommet réunit les trois grands dirigeants alliés : Franklin D. Roosevelt (États-Unis), Winston Churchill (Royaume-Uni) et Joseph Staline (URSS). Ainsi, il est proposé de diviser l’Allemagne en quatre zones d’occupations : une pour les États-Unis, une pour la Grande-Bretagne, une pour l’URSS et une pour la France, avec une autre sous-division en quatre pour Berlin.
Après cela, la décision de la division est actée en juillet-août 1945 lors de la conférence de Potsdam réunissant les mêmes pays. Parallèlement, c’est à ce moment que de nettes tensions commencent à se développer entre l’URSS et les États-Unis. En effet, Les États-Unis veulent promouvoir des élections libres et des gouvernements démocratiques dans le monde entier, en particulier en Europe de l'Est. À contrario, l'URSS souhaite établir des gouvernements communistes ou éventuellement sous son contrôle, comme le prouve la mise en place des régimes pro-soviétiques dans les pays d'Europe centrale et orientale.
Bien plus tard, en 1949, la division de l’Allemagne se transforme officiellement en deux États distincts : la République Fédérale d'Allemagne (RFA), fondée le 23 mai 1949, dans les zones d'occupation américaine, britannique et française (partie occidentale) et la République Démocratique Allemande (RDA), fondée le 7 octobre 1949, dans la zone soviétique (partie orientale). Cette nouvelle division symbolise un tournant dans la géopolitique mondiale, marquant le début de la guerre froide.
La Pologne
La question des frontières de la Pologne après la Seconde Guerre mondiale a également été l'un des principaux points de discussion lors des conférences de Yalta et Potsdam. En effet, avant la Seconde Guerre mondiale, le territoire polonais s’étendait plus à l’Est (figure 1), incluant des territoires comme Lviv et Vilnius, aujourd'hui en Ukraine et en Lituanie.

Ainsi, l'une des premières décisions prises lors de la conférence de Yalta est de fixer la nouvelle frontière orientale de la Pologne le long de la ligne Curzon, une ligne imaginaire établie pendant la Première Guerre mondiale, qui se situe à l'est du pays, et qui faisait partie des demandes soviétiques. Concrètement, cela signifie que des régions comme la Prusse orientale et une grande partie des territoires de l’Est, qui étaient jusque-là Polonais, deviennent la république socialiste soviétique d'Ukraine et la république socialiste soviétique de Biélorussie. En retour, la Pologne reçoit des territoires à l’ouest, qui étaient auparavant allemands, incluant par exemple les régions de la Silésie, la Poméranie, et une partie de la Prusse-Orientale. Cette modification des frontières est vue comme une forme de compensation pour les pertes subies par le pays, mais elle entraîne des expulsions massives des populations allemandes qui vivaient sur ces territoires.
Tout comme pour l’Allemagne, les décisions prises lors de la conférence de Yalta se confirment lors de la conférence de Potsdam. Ainsi, la ligne « Oder-Neisse » (désignant les fleuves Oder Nysse) est désignée comme la nouvelle frontière occidentale de la Pologne, déterminant le transfert de vastes territoires allemands à la Pologne. Cela implique aussi un déplacement de population, qui était majoritairement constituée de polonais déplacés, mais également des ethnies allemandes qui vivaient là et qui ont aussi dû migrer ailleurs. De ce fait, ces migrations massives entraînent des changements culturels et ethniques importants.
Les régions de l'ouest, auparavant allemandes, voient l'arrivée de Polonais issus des anciennes provinces orientales. Cette migration change la composition ethnique du pays, et l’ancienne diversité culturelle polonaise (qui comprenait des minorités ukrainiennes, juives, allemandes, etc.) est profondément modifiée.
Les gains de l’URSS
De son côté, l’URSS obtient des gains substantiels en Europe de l’Est, en redéfinissant ses frontières aux dépens de plusieurs pays voisins. Comme indiqué précédemment, l’URSS récupère une grande partie des terres orientales polonaises, sous prétexte que la ligne Curzon, correspond à une répartition ethnique plus favorable à l’URSS, selon Staline.
Ensuite, la Lituanie, la Lettonie et l’Estonie, annexées par l’URSS en 1940 à la suite du pacte germano-soviétique (figure 2), sont officiellement confirmées comme parties intégrantes de l’Union soviétique après la guerre. Concrètement, cela signifie qu’elles perdent l’indépendance qu’elles ont acquise après la Première Guerre mondiale, à la suite de la chute des empires russe et allemand.
De cette manière, la démographie du territoire se trouve profondément modifiée. En effet, en Estonie et en Lettonie, les populations russophones représentent désormais une part importante de la population, allant jusqu’à 40 % en Lettonie. Toutefois, cette nouvelle occupation ne s’exerce pas de manière entièrement pacifique. Effectivement, Les Frères de la forêt, des groupes de guérilla nationalistes, mènent une lutte clandestine contre les autorités soviétiques à partir des années 1950, menant à une nouvelle indépendance des États baltes entre 1990 et 1991 à la chute de l’URSS.

En Asie, la fin des empires
Loin de l’Europe, la Seconde Guerre mondiale a marqué un tournant décisif pour les empires en Asie, bouleversant l’ordre colonial établi depuis des décennies. En effet, la guerre a été une catastrophe économique et militaire pour les puissances européennes. Les pays comme la France, les Pays-Bas et le Royaume-Uni, qui dominaient de vastes empires coloniaux en Asie, se sont retrouvés affaiblis, notamment à cause de l’occupation nazie, des destructions massives et de la perte de légitimité à revendiquer un pouvoir impérial, après avoir eux-mêmes été vulnérables face à des envahisseurs. De cette façon, l’Europe n’est plus en mesure de maintenir sa domination en Asie, tout aussi bien d’un point de vue moral que matériel. D’un autre côté, la fin de la Seconde Guerre mondiale marque l’émergence des États-Unis et de l’URSS comme superpuissances, au détriment de l’Europe.
Cela affecte directement l’Asie, car ces nouveaux acteurs n'ont pas les mêmes intérêts impérialistes que les anciens empires européens. En effet, les États-Unis soutiennent l’autodétermination, soit le principe selon lequel « tout peuple a le droit de déterminer son propre gouvernement, indépendamment de toute contrainte étrangère » (Le Monde Diplomatique). En parallèle, l’URSS promeut activement les mouvements nationalistes et communistes, cherchant à affaiblir les empires coloniaux pour y étendre son influence.
Le Japon
La Seconde Guerre mondiale a mis fin à l’expansion territoriale japonaise et provoqué une reconfiguration majeure des frontières en Asie.
Tout d’abord, le Japon perd beaucoup de ses territoires colonisés. De ce fait, le pays avait créé en 1932 un État satellite, le Mandchoukouo, dans le nord-est de la Chine. Après la capitulation japonaise, cette région a été restituée à la Chine, bien que temporairement occupée par l’Union soviétique en 1945. Aussi, la fin de la guerre marque la restitution de Taïwan à la Chine, alors que le Japon l’avait annexée en 1895 à l’occasion du traité de Shimonoseki. De son côté, la Corée, territoire colonisé par le Japon depuis 1910, retrouve son indépendance. Toutefois, le cas de la Corée est particulier. En ce qui concerne les îles du Pacifique sous mandat japonais comme les îles Mariannes, Marshall, Carolines, elles se retrouvent placées sous tutelle des Nations unies après la guerre et confiées aux États-Unis.
Ainsi, ces pertes territoriales ont permis de ramener le Japon à ses frontières métropolitaines telles que nous les connaissons aujourd’hui.
La Corée
La libération de la Corée en 1945 a rapidement conduit à une partition durable de la péninsule, transformant une ancienne colonie japonaise en deux États aux frontières radicalement redessinées (figure 3).
En 1945, les Alliés ont décidé de diviser la Corée en deux zones administratives : la partie nord, sous contrôle soviétique, et la partie sud, sous contrôle américain. Cette ligne, initialement provisoire, est devenue une frontière officielle après la création de deux États en 1948 : la République populaire démocratique de Corée (au nord) et la République de Corée (au sud). Toutefois, cette frontière ne tient pas compte des réalités économiques et culturelles et a même séparé des familles. Aujourd’hui, la frontière militarisée entre la Corée du Sud et la Corée du Nord reste l’une des lignes les plus tendues du monde.

Pour résumer…
Les redécoupages frontaliers après la Seconde Guerre mondiale ont profondément transformé le monde. En Europe, la division de l’Allemagne et les déplacements de frontières en Europe centrale ont alimenté la guerre froide et des tensions encore perceptibles. En Asie, la partition de la Corée et la décolonisation ont redéfini la géopolitique régionale, créant des tensions durables, notamment sur la péninsule coréenne. Enfin, ces bouleversements ont marqué l’émergence d’un monde bipolaire dominé par les États-Unis et l’URSS, posant les bases de l’ordre mondial actuel.