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Photo du rédacteurPaul Haupais

Le jour-J vu par la 82e airborn division

Groupe d'éclaireurs du 505e PIR (82e airborn division) avant le départ pour la Normandie · © US NATIONAL ARCHIVES



Le débarquement de Normandie est l'une des opérations militaires sur le sol Français les plus importantes de l'histoire : le 6 juin 1944, c'est près de 150 000 combattants alliés qui se précipitent à l'assaut des plages normandes sous le feu allié. En parallèle se joue une bataille de profondeur : des parachutistes ont pour mission de s'infiltrer dans l'arrière-pays afin de saboter et ralentir la défense allemande...



Qu'est-ce que la "82e airborn division" ?


Derrière tout matricule militaire se dessine une histoire bien précise. La 82e airborn division, surnommée "all-americans", est créé en août 1917, à une époque où l'entrée en guerre américaine sur le sol européen nécessite de grands élargissements des corps d'armée. Elle s'appelle alors la 82e "Infantry" division. L'airborn division, ou division aéroportée en Français, n'existait pas encore. Constituée en Géorgie, elle rassemble des Américains de toutes les origines, ce qui lui donnera son surnom. Dissoute après-guerre, elle est reconstituée et réorganisée à partir de mars 1942 et devient la 82nd airborn division, spécialisée dans des missions de déploiement en milieux hostiles par parachutage (ce qu'on appelle des régiments d'infanterie parachutistes).


La division reste alors fixe, dans une époque où les armées américaines commencent à intervenir sur les fronts nord-africains et asiatiques. Cependant, elle opère un premier déplacement en mai 1943, en partant des Etats-Unis vers Casablanca, puis jusqu'en Tunisie. La division aéroportée se prépare à sa première grande intervention : l'invasion de la Sicile, qui débute le 9 juillet 1943 et qui s'achève par une victoire alliée. C'est un "échec réussi" pour ces soldats inexpérimentés, en l'air comme au sol. 10% des avions du 505e régiment de la division sont abattus par des tirs alliés, ayant été confondus avec des avions allemands... Malgré cette première intervention, la division entre à Naples le 1er octobre 1943, puis est redirigée vers de nouveaux objectifs.



La place de l'aéroporté dans "l'Opération Neptune"


L'Opération Neptune est plus connue sous le nom de débarquement de Normandie dans lequel les divisions aéroportées jouent un rôle de premier plan. Elles sont en effet les premières à fouler le sol de Normandie. La 6e division aéroportée britannique avait, par exemple, pour mission de sécuriser la région ouest de Caen à travers l'opération Tonga, qui libère le célèbre pont Pegasus Bridge. L'avantage majeur des parachutistes, dans une aussi vaste opération, c'est qu'ils sont furtifs, surtout dans le cas de la 6e division aéroportée larguée par planeurs. Leur emploi est donc devenu la clé de voûte du débarquement allié.


Mais quels sont réellement les effectifs, les objectifs et les caractéristiques d'une division ? Telle qu'elle est déployée en Normandie, la 82e airborn division comporte 12 000 hommes dont 7 000 parachutistes. Elle est subdivisée en quatre régiments : les 504e, 505e, 507e et 508e régiments d'infanterie parachutée, du 325e régiment aéroporté (largage de matériel), ainsi que de bataillons d'artilleries de campagnes et anti-aériens. Enfin, cette division est aux ordres du Major General Matthew Ridgway (Un Major General est l'équivalent américain d'un Général de division Français).


Le Général Dwight Eisenhower s'adressant aux hommes du 82e airborn division avant le débarquement  · © US NATIONAL ARCHIVES


"Full victory-nothing else." (La victoire complète et rien d'autre.)
D. Eisenhower, le 5 juin 1944


La 82e à l'assaut de la Normandie


Selon le plan initial de l'opération, la 82e airborn division agira en tandem avec une autre division aéroportée, la 101e. Ces deux corps seront déployés dans une opération codifiée "Albany et Boston". La 101e est chargée de prendre les batteries allemandes à Saint-Martin-de-Varreville (à l'Est de la Manche), détruire des ponts et en défendre d'autres. La 82e, elle, détruit des ponts, protége des axes routiers et s'empare de Sainte-Mère-Eglise, petite bourgade manchote présentant un certain intérêt par sa proximité avec Utah Beach, la plage de débarquement la plus à l'ouest des 90km de ligne de front.

Le soir du 5 juin 1944, les Dakotas, avions de largage de l'armée britannique, décollent et forment un seul groupe vers les zones de parachutage. Près de 6 900 hommes de la 82e airborn division sont dispersés à partir de 00h48 jusqu'à 2h44 en Normandie, et près de 14 000 avec la 101. Les ennuis pour les soldats alliés commencent dès l'arrivée au sol : les troupes britanniques et américaines sont en effet prises dans le piège des marais normands. Une grande partie du matériel est perdue, quelques noyades sont recensées, et beaucoup de soldats tombent sans équipement, devenant de ce fait non-opérationnels. De plus, les parachutistes n'atterrissent pas aux emplacements prévus du fait de l'imprécision du matériel utilisé pour la reconnaissance des balises. Tandis que la 101e se démène pour récupérer son matériel, la 82e airborn division réalise des parachutages très hétérogènes : la première vague de largage est extrêmement précise et permet aux "sticks" (équipe de parachutiste largué depuis 3 avions) de progresser rapidement vers Sainte-Mère-Eglise, mais certains groupes seront largués à plus de 20km de leur "dropzone" (lieu de largage initial).



L'étonnant largage de John Steele


D'autres coquilles se présentèrent aux soldats américains. La 82e voit en effet quelques paras plonger directement sur Sainte-Mère-Eglise, village alors encore aux mains de la Wehrmacht. Y plonger, c'est plonger directement vers la mort... Et c'est ce que fera le parachutiste John Steele. Américain de 32 ans, il saute de son dakota vers 1h00 du matin. Il est alors atteint au pied par un éclat de DCA allemande tout en tombant vers le village ciblé. C'est encore un terrain très hostile pour les parachutistes, alors que les opérations viennent tout juste de débuter. Un feu s'était déclaré dans une maison du village, créant un gigantesque brasier. En tentant de l'éviter, Steele atterrit directement sur le clocher de l'église, et y reste bloqué. Les combats font rage sur la place du village, juste au-dessous de lui. Deux soldats allemands viennent le déloger 45 minutes plus tard : il est constitué prisonnier, après avoir tenté de se faire passer pour mort. Il regagne toutefois les unités américaines trois jours plus tard, à la suite d'une probable évasion. Son histoire atypique n'est révélée au grand public qu'avec le film "Le jour le plus long" , où une séquence de 140 secondes est consacrée à cet atterrissage incongru.


Mannequin sur le clocher de Sainte-Mère-Eglise symbolisant l'atterrissage de John Steele · © Auteur inconnu / Domaine public



Bilan en Normandie... et après ?


C'est donc près de 7 000 hommes de la 82e airborn division qui sautent en Normandie grâce à l'opération Boston. Mais le Cotentin n'est pas encore sécurisé : il faudra encore attendre jusqu'au 8 juin pour que la division aéroportée établisse une liaison sécurisée avec la 4e division d'infanterie, qui débarqua sur Utah Beach. Le bilan est à la fois lourd et satisfaisant pour le haut commandement. Malgré l'incapacité des troupes américaines à prendre les ponts du centre de la Manche, Sainte-Mère-Eglise a pu être tenue durant toute la durée des opérations. La division a, malgré cela, subit près de 66% de pertes (soldats hors de combat : tués, blessés ou capturés), le plus haut taux enregistré par une division aéroportée durant l'opération Neptune, mettant en évidence un important échec du largage du gros des troupes.


La 82e airborn division ne s'arrête pas à la Normandie. Quelques mois plus tard, le 17 septembre 1944, elle participe à l'opération Market Garden, en tentant de capturer les centres industriels allemands de la Rhur, aux Pays-Bas. C'est un franc succès après huit jours d'opérations aéroportées, malgré, là encore, des pertes élevées parmi les parachutistes : sur 30 000 soldats largués, on recense près de 16 000 pertes. Enfin, la 82e sera réengagée lors de la bataille des Ardennes en décembre 1944, est dotée d'un corps de chars et poussera jusqu'en Allemagne, où elle effectue la jonction avec l'armée rouge en avril 1945. Après la guerre, elle continue ses opérations et est déployée sur une multitude de fronts comme lors de la guerre d'Irak.


La gloire de la 82e airborn division tient essentiellement à travers les opérations de Normandie. Groupe primordial dans la préparation du terrain pour reconquérir l'Europe, elle est encore aujourd'hui largement reconnue à l'international et aux Etats-Unis pour services rendus à la nation et au monde : en juin 2015, l'un des parachutistes de la 82e airborn division, Joe Gandara, a reçu à titre posthume par Barack Obama la Medal of honor, la plus haute distinction militaire américaine.

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