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Le réseau du musée de l'Homme

Photo du rédacteur: Alexis KicaAlexis Kica

" Résister, c'est déjà garder son coeur et son cerveau " - Boris Vildé · © Their memory / Droit réservés

Le Réseau du musée de l'Homme, fondé en 1940 par Boris Vildé, Anatole Lewitsky et Yvonne Oddon est l'un des premiers mouvements de résistance sur le territoire français à l'encontre de l'occupant allemand.



Contexte


Quelques jours avant la signature de l'armistice franco-allemand à Rethondes, le 22 juin 1940, la ville lumière voit l'armée allemande fouler les Champs-Elysées, le 14 juin 1940. Cette date marque le début de l'occupation allemande à Paris et par conséquent les pénuries, rafles et arrestations.


En parallèle, la capitale parisienne a perdu plus de deux millions de ses habitants du fait de l'exode et de la mobilisation générale des hommes en état de combattre.


Très vite, la France tout comme Paris est divisée en deux idéologies : la Collaboration avec l'occupant soutenue par Philippe Pétain et la Résistance incarnée par Charles De Gaulle.



Histoire


Création


En juin 1940, peu de temps après l'arrivé des troupes allemandes dans la capitale, Paul Rivet, alors âgé de soixante-quatre ans, placarde à l'entré du Musée de l'Homme dont il est le directeur depuis 1928, le poème If de Rudyard Kipling. Il s'agit là du premier geste de protestation envers l'occupant par l'antifasciste aguerri. Une seconde action de sa part marque sa détermination ; le 14 juillet, Paul Rivet adresse une lettre ouverte à Philippe Pétain, alors Président du conseil, dans laquelle il écrit :


" Monsieur le Maréchal, le pays n'est pas avec vous, la France n'est plus avec vous. "
Extrait de la lettre du 14 juillet 1940 de Paul Rivet au Maréchal Pétain

Paul Rivet en 1938 (© Charles Mallison / 1938 / Travail personnel / CC BY-SA 3.0)

En parallèle des actions menées par le directeur du Musée, Yvonne Oddon, une des rares membres du personnel à être encore présente, débute des actions clandestines. Ainsi, la bibliothécaire diffuse de nombreuses informations qu'elle obtient de l'ambassade américaine grâce à des relations tissées lors de ses études à l'école américaine des bibliothécaires. Elle n'hésite pas à participer en compagnie de Lucie Boutillier à l'aide aux prisonniers évadés en leur permettant de séjourner dans l'appartement de sa complice.


Organisation du Réseau


Le retour des mobilisés à partir des mois de juillet et août, permet de donner une plus grande importance aux actions menées jusqu'à présent. Parmi les revenants, on peut citer Boris Vildé qui occupait le poste d'ethnologue avant la guerre et Anatole Lewitsky, le mari d'Yvonne Oddon. Dès lors, le jeune mouvement commence la création de tracts dans les bureaux du Musée de l'Homme et plus précisément de celui de Paul Rivet.


Très vite, le mouvement prend de l'importance et se transforme en un " secteur " dirigé par Boris Vildé. Les membres fondateurs sont rejoints par de nombreux groupes et individus qui choisissent pour certains de conserver leurs activités. On compte à présent plus de cent membres actifs.


Boris Vildé dans les années 1930 (© Auteur inconnu / Date inconnue / Wikimedia Commons / Domaine public)

A partir du mois de juin 1940, le réseau du Musée de l'Homme rentre en contact avec l'union nationale des combattants coloniaux par l'intermédiaire de Germaine Tillion. A compter de cette date, les huit groupes qui le composent fournissent des renseignements militaires et politiques transmis à Londres et organisent des filières d'évasion de prisonniers français et anglais ainsi que d'aviateurs abattus.


A la fin de l'automne 1940, le secteur de Boris Vildé se rapproche du secteur dirigé par Maurice Dutheil de La Rochère qui se compose de cinquante membres et du secteur dirigé par Paul Hauet et Germaine Tillion qui se compose lui de quatre-vingts membres. Ces trois secteurs sont présents sur la quasi-totalité des territoires occupés et dans certaines villes de la zone libre.


Rapidement, il devient indispensable d'utiliser une couverture pour ne pas être remarqué par les services de police français et allemand. Il est donc décidé que les clandestins se réuniront sous la forme d'une société littéraire dénommée : " les amis d'Alain-Fournier ".


Entre décembre 1940 et mars 1941, le réseau édite un journal clandestin intitulé : " Résistance " paru au nombre de cinq numéros. Il est placé sous la rédaction de Jean Cassou, Claude Aveline, Agnès Humbert, Simone Martin-Chauffier, Marcel Abraham et Pierre Brossolette.


Infiltration allemande


Malgré les nombreuses précautions employées, le réseau montre une vulnérabilité importante notamment à travers l'infiltration d'un agent du SD (service de renseignement et de maintient de l'ordre de la SS) dénommé Albert Gaveau qui devient l'homme de confiance de Boris Vildé.


Le réseau du musée de l'homme n'est pas un cas unique, le réseau de Maurice Dutheil de La Rochère est lui aussi la cible des services de renseignement et plus précisément de la Geheime Feldpolizei (police secrète militaire allemande et service de contre-espionnage) par l'intermédiaire de Jacques Desoubrie .


En janvier 1941, les Allemands mènent leur première arrestation. La première victime est Léon-Maurice Nordmann arrêté pendant qu'il distribuait le journal clandestin Résistance.


Le 10 février, Anatole Lewitzky et Yvonne Odon sont également arrêtés, suivis par Boris Vildé et Agnès Humbert. A la suite de l'arrestation du directeur, Germaine Tillion est désignée pour lui succéder.


Condamnations


A la suite d'une enquête d'une durée d'une année qui désigne dix-neuf personnes comme responsables de crimes d'espionnage, se tient un procès devant la cour allemande le 8 janvier 1942. Le jugement établit dix peines capitales, trois peines de prison et six non-lieux.

Les femmes condamnées à la peine de mort sont déportées afin d'éviter tout scandale.


Les exécutions ont lieu le 23 février 1942 : Jules Andrieu, Georges Ithier, Anatole Lewitsky, Léon Nordmann, René Sénéchal, Boris Vildé et Pierre Walter sont fusillés au Mont Valérien.


Le 13 août 1942, Germaine Tillion est arrêtée à la Gare de Lyon à Paris. Elle est déportée au camp allemand de Ravensbrück.

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