Les lois de Nuremberg se composent de trois lois raciales et antisémites adoptées le 15 septembre 1935 par le Reichstag au cours du septième congrès annuel du parti nazi. Elles fournissent un cadre juridique à la persécution des Juifs en Allemagne.
Les principales mesures sont la suppression de la citoyenneté allemande à l'ensemble des Juifs, l'interdiction des mariages entre Juifs et Allemands et la prohibition aux Juifs de hisser le drapeau national.
Contexte
Depuis 1933, le régime nazi entreprend de nombreuses mesures pour restreindre les libertés des Juifs en Allemagne et mener à leur exclusion de la société allemande. Ces mesures sont le résultat de la volonté du parti nazi de mettre en œuvre une politique raciste et antisémite.
En parallèle, Adolf Hitler lance la " mise au pas " de la société allemande par l'intermédiaire de la Gleichschaltung.
A Munich comme à Berlin, les violences à l'encontre des Juifs se multiplient. Elles sont entreprises par des membres de la SA, des Jeunesses hitlériennes ou par des SS en civil. Elles nécessitent parfois l'intervention de la police, tant la brutalité est sans limite.
Elaboration, présentation et adoption des lois
Elaboration
Le 20 août 1935, Hjalmar Schacht, ministre de l'Economie allemand, organise une réunion en présence de Wilhelm Frick, ministre de l'Intérieur, de Franz Gürtner, ministre de la Justice, de Johannes Popitz, ministre des Finances de Prusse, d'Adolf Wagner, Gauleiter (responsable régional politique du parti nazi NSDAP et responsable administratif d'un Gau) et ministre de l'Intérieur de Bavière, et de Reinhard Heydrich qui représente la Gestapo et le SD.
Cette réunion a pour objectif de mettre en place un dispositif de lois antisémites qui puisse substituer un cadre juridique discriminant aux violences individuelles et aux initiatives locales, ce qui permettrait de commettre des actes antisémites dans le cadre de la loi.
Avec l'aval de Hitler, les différents membres de cette réunion se mettent d'accord sur l'emploi de mesures légales à l'encontre des Juifs afin d'appliquer les dispositions antisémites du programme du parti.
Hitler ne veut pas seulement séparer les Juifs de la nation ; il a également pour but de réaffirmer le rôle du parti nazi. En effet, depuis la nuit des Longs Couteaux qui a conduit à l'affaiblissement de la SA, pour conserver le soutien de l'appareil d'État, de nombreux membres du parti se sentent à l'écart.
Le 13 septembre 1935, en marge du septième congrès du parti nazi, qui se tient à Nuremberg, le Führer fait convoquer de hauts fonctionnaires du ministère de l'Intérieur et de la Chancellerie. Cette convocation a pour but l'élaboration d'un projet de la loi qui viserait à interdire les mariages entre Allemands et Juifs pour " protéger le sang allemand ". De nombreux brouillons sont réalisés dans une agitation totale et une atmosphère de fête.
Ce projet de loi comporte pour la première fois le terme de " Juif ", contrairement par exemple à la loi sur la restauration du fonctionnariat.
Le lendemain, le ministre Wilhelm Frick ordonne la rédaction d'un second texte visant cette fois à restreindre la citoyenneté nationale aux seules personnes de sang allemand ou apparenté. Dans ce second texte, le terme " Juif " n'est pas employé. L'écriture de ce deuxième projet de loi se termine au environ de 2h30 du matin.
Au retour d'une réunion avec Hitler, peu après minuit, il donne l'ordre de préparer quatre versions de la loi sur la " protection du sang allemand ". Hitler ne tranchera entre ses versions que le lendemain au cours de la séance du Reichstag.
Présentation & Adoption
Le 15 septembre 1935, aux environs de 20 heures, Adolf Hitler s'adresse aux membres du Reichstag présents à l'occasion du congrès. A la surprise générale, il prononce un court discours ayant pour sujet principal la responsabilité des Juifs dans les tensions internationales. Après cette prise de parole, les lois sont présentées et soumises au parlement comme un moyen d'établir des relations acceptables entre Allemands et Juifs.
" Pour empêcher ce comportement d'entraîner de la part de la population indignée une énergique action défensive, dont on ne peut prévoir l'étendue, la seule solution est de trouver une réponse législative au problème. Le gouvernement du Reich allemand est guidé par l'espoir de pouvoir créer, par une mesure d'une rare portée, un cadre à l'intérieur duquel le peuple allemand serait en position d'établir des relations acceptables avec le peuple juif. Cependant, si cet espoir devait être déçu et si l'agitation juive intérieure et internationale devait continuer, il serait alors nécessaire de reconsidérer la situation. "
Extrait du discours de Adolf Hitler du 15 septembre 1935 (Saul Friedländer, Les années de persécution, L'Allemagne nazie et les Juifs (1933-1939), 2008)
Le Führer cède ensuite la parole à Herman Goering pour justifier le vote des ces lois. Le discours de ce dernier est d'une extrême violence envers le Juifs. Il affirme notamment que :
" la croix gammée est un symbole du combat pour la singularité de notre race et qu'elle nous a toujours servi en tant que signe de ralliement dans la lutte contre les Juifs en tant que destructeurs de race "
Selon lui, les lois proposées sont :
" une profession de foi pour les forces et les vertus de l'esprit germanique nordique [...] tout gouvernement, et surtout le peuple lui-même, a le devoir de veiller à ce que cette pureté raciale ne puisse plus jamais s'étioler ou être corrompue "
Extraits du discours de Hermann Goering du 15 septembre 1935 (Richard J. Evans, Le Troisième Reich. 1933-1939, 2009)
Le Reichstag réuni spécialement pour cette occasion, adopte avec acclamation les trois lois présentées.
Trois lois
Loi sur le drapeau du Reich
La première loi (Reichsflaggengesetz) concerne le drapeau national allemand.
Le premier article dispose que les couleurs du drapeau sont le noir, le blanc et le rouge.
Le second article précise que le drapeau officiel porte l'emblème de la croix gammée.
Dans la continuité de la loi du 1er décembre 1933 qui unie le parti nazi et l'Etat, ce texte substitue l'emblème du parti de Hitler aux couleurs de la république de Weimar.
Loi sur la citoyenneté du Reich
La seconde loi (Reichsbürgergesetz) concerne la citoyenneté du Reich.
Elle désigne les citoyens de sang allemand ou apparenté comme les seuls à pouvoir jouir de leurs droits civils et politiques. La citoyenneté allemande est déchue à toutes les personnes juives ou assimilées ainsi qu'aux opposants du Reich.
Ce texte qualifie de " Juif " toute personne ayant au moins trois grands parents juifs ou plus. Les Juifs converties au christianisme et les enfants ou petits enfants de ces derniers sont aussi qualifiés de la sorte.
Loi sur la protection du sang et de l'honneur allemand
La troisième et dernière loi dite " sur la protection du sang et de l'honneur allemand " se compose de 7 articles qui concerne majoritairement la " vie privée " des Juifs et vise notamment à les exclurent totalement de la société.
L'article 1 interdit à tous les Allemands juifs de se marier à un Allemand non juif.
L'article 2 criminalise toutes relations sexuelles entre ces derniers.
L'article 3 prohibe aux Juifs d'employer des femmes allemandes de moins de quarante cinq ans comme domestique.
L'article 4 autorise les Juifs à arborer les couleurs de leur religion car ce droit est garantie par l'Etat.
L'article 5 établit les peines frappant la violation des dispositions des article 1 à 4.
L'article 6 établit les modalités d'exécution de la loi qui peuvent être entreprises par le ministre de l'intérieur, le ministre de la Justice en accord avec Rudolf Hess, adjoint d'Adolf Hitler.
L'article 7 fixe la date d'entrée en vigueur de la loi au jour de sa promulgation, c'est à dire le 16 septembre 1935.
Mise en application
La loi de protection du sang et de l'honneur allemand et la loi sur la citoyenneté du Reich sont rendues officielles par deux décrets d'application spécifique publiés le 14 septembre 1935. Wilhelm Stuckart et Bernhard Lösener sont chargés de leur rédaction.
Le premier qui concerne la loi sur la protection du sang et de l'honneur allemand établit une classification raciale complexe divisant les non-aryens en deux catégories : les Juifs et métissés de Juifs.
Les rédacteurs du décret ne définissent pas qui est Juif sur la base de l'apparence mais sur la base de la religion comme dans l'Arierparagraph (dispositif juridique destiné à évincer de la fonction publique les non-aryens).
Conséquences
L'accélération de la persécution des Juifs en Allemagne
Les lois de Nuremberg marquent l'avènement de la politique antisémite du Reich. Elles touchent et impactent les aspects les plus fondamentaux de la vie privée des Juifs. Ces textes excluent de la société les Juifs en les écartant de la vie allemande.
Ces lois permettent à Wilhelm Frick, le ministre de l'Intérieur, de renvoyer en moins de quinze jours tous les fonctionnaires d'ascendance juive.
A la suite de l'adoption des lois, les textes juridiques antisémites se rarifient. En effet, l'Allemagne veut garder une bonne image vis à vis des autres Etats, notamment en vue du prochain événement majeur en Allemagne : les Jeux olympiques de Berlin.
Les Juifs sont toutefois relégués au statut de sujet inférieur. Les actions antisémites se multiplient, en particulier avec l'aryanisation économique accélérée, les pillages et saccages des biens juifs. L'objectif de ces actions est de pousser les Juifs à émigrer de l'Allemagne. Ceux qui résistent sont isolés et discriminés. Ces législations jouent un rôle majeur dans la mise en place de la Shoah.
Un modèle de loi adopté dans une grande partie de l'Europe pendant la Seconde Guerre mondiale
Au cours de la Seconde Guerre mondiale, de nombreux pays alliés à l'Allemagne nazie promulguent sur la base des Lois de Nuremberg des lois antisémites. Dès 1941, l'Italie, la Hongrie, la Roumanie, la Slovaquie, la Bulgarie, la France de Vichy et la Croatie adoptent des textes similaires à ceux de Nuremberg.
Abrogation
Le 23 mai 1949, en Allemagne de l'Ouest, la loi fondamentale pour la République fédérale d’Allemagne est promulguée. L'article 123 de cette dernière abolit les lois de Nuremberg, la Reichstagsbrandverordnung ou encore la loi des pleins pouvoirs de 1933.
En République démocratique allemande, il faut attendre la Constitution du 7 octobre 1949 pour abroger ces lois antisémites.
Le 1er septembre 1998, soit plus de 50 ans après la fin de la dictature nazie, la totalité des dérivés des lois de Nuremberg sont abrogés par la loi d'abrogation des peines nationales-socialistes du 25 août 1998.