
Sous l'initiative de Joseph Staline, trois régiments de pilotes de combat soviétiques sont intégrés à l'Armée rouge en 1942. Tous sont exclusivement constitués de femmes, dont l'une est membre du 588e NBAP (régiment de bombardiers de nuit). C'est l'un des régiments les plus honorés de la guerre, et les femmes qui en font partie sont appelées par les Allemands : « Nachthexen », ou « Sorcières de la nuit ».
Marina Raskova, figure de l'aviation soviétique
Les sorcières de la nuit utilisaient des Polikarpov Po-2, des avions désuets conçus en 1928, initialement prévus pour l'entraînement ou les travaux agricoles. Par conséquent, ces femmes avaient pour tâche d'assiéger et de bombarder l'armée allemande de 1942 à 1945.
Marina Raskova, qui faisait partie des 800 000 femmes mobilisées dans l'Armée rouge, a été à l'origine de la création de ces trois bataillons d'aviation entièrement constitués de jeunes femmes âgées de 17 à 24 ans.
Marina Raskova a vu le jour à Moscou le 28 mars 1912 et a perdu la vie dans une mission, le 4 janvier 1943 dans l'oblast de Saratov. Dans son enfance, elle était guidée par son père, un chanteur d'opéra, et aspirait à une carrière dans le domaine de la musique. Suite au décès tragique de son père en 1919, Raskova commence des études en chimie et épouse Sergueï Raskov, un ingénieur aéronautique qui lui offre l'opportunité d'éveiller une passion intense pour l'aviation. Ainsi, lorsque l'armée soviétique ouvre enfin ses portes aux femmes, elle en profite, mais hélas pour elle, il lui est compliqué de devenir pilote de combat. Elle s'engage en 1934, devenant ainsi la première femme à servir en tant que navigatrice dans l'armée de l'air soviétique. C’est en 1935 qu’elle devient pilote puis institutrice. Elle reçoit le titre de Héros de l’Union soviétique et de l’ordre de Lénine en 1938. Raskova gravit alors les échelons et se rapproche de Staline.
Durant le conflit, Marina Raskova joue de son influence à Moscou pour favoriser une plus grande implication des femmes dans l'aviation, visant ainsi à pallier au manque de pilotes au sein de l'Armée rouge. C'est alors que trois unités virent le jour : le 586e régiment de chasse, le 587e régiment d’aviation de bombardement et le 588e régiment de bombardiers de nuit (les bataillons des sorcières de la nuit). Plus de 400 femmes se sont engagées dans ces bataillons, majoritairement issues d'aéroclubs (une activité courante en URSS).
Les sorcières de la nuit : dans l’enfer des combats
Ievdokia Berchanskaïa est aux commandes du 588e régiment. Les femmes y travaillant sont confrontées à des conditions ardues en raison du froid hivernal et de la chaleur accablante estivale, ainsi que d'un manque de provisions. Les avions qu'elles employaient n'étaient efficaces que de nuit, dépourvus de radio et de cockpit clos. En outre, les vêtements qu'elles portaient n'étaient pas adaptés à l'hiver. Elles se mettaient au lit qu'au petit matin et ne dormaient que trois ou quatre heures. Elles enchaînaient les missions pendant la nuit et effectuaient la maintenance des avions durant la journée. Malgré leurs blessures ou maladies, elles continuaient de se battre.
Leurs avions étaient faits de bois et de toile, ce qui les rendait moins détectables par les radars allemands. Ils volaient très bas et très lentement, ce qui compliquait considérablement la tâche des Allemands pour les détruire.
Elles employaient une méthode spécifique, se divisant en deux équipes : l'une attirait l'attention des Allemands tandis que l'autre diminuait la puissance des moteurs pour rester discrète avant de plonger sur la cible et relâcher leurs bombes sur l'adversaire. L'objectif était de miner leur moral. Les Allemands comparent le son des moteurs du Polikarpov PO-2 à celui d'une sorcière sur un balai, et au moindre sifflement, même produit par le vent, ils se mettaient à couvert, effrayés par la possibilité d'une attaque.
« Je ressens un tel courage en moi malgré ma peur que je me sais capable de tout. Les autres filles sont comme moi. Nous avons toutes cette force commune ou... cet aveuglement. » - Citation du livre : Sorcière de la nuit, Charline Malaval
Nadejda Popova détient le record du nombre de missions effectuées en une seule nuit avec un total de 18.
La nuit du 31 juillet a été la plus fatale pour les sorcières de la nuit, qui ont néanmoins continué à se battre jusqu'à la fin du conflit.
L’après-guerre : la fin d’une histoire et le combat pour qu’on se souvienne
Née le 6 février 1913 et décédée le 16 septembre 1982, Ievdokia Berchanskaïa s'est attelée à la tâche de rassembler autant d'archives que possible sur les sorcières de la nuit pour éviter qu’elles ne soient mortes en vain.
Leur mémoire est préservée également grâce à diverses œuvres, telles que la bande dessinée « Le Grand Duc - Les sorcières de la nuit Tome 1 » ou le morceau du groupe de Heavy Metal Sabaton intitulé Night Witches.
Extrait de Night Witches :
“(Air force’s number one)
(numéro 1 de l’armée de l’air)
Somewhere down below, they’re looking for the foe
Quelque part en bas, ils cherchent l'ennemi
(Bombers on a run)
(Bombardiers en fuite)
You can’t hide, you can’t move, just abide
Vous ne pouvez pas vous cacher, vous ne pouvez pas bouger, juste accepter (votre sort)
Their attack’s been proved
Leur attaque a été prouvée (efficace)
(Raiders in the dark)
(attaquantes dans l'obscurité)
Silent through the night, the Witches join the fight
Silencieuses pendant la nuit, les sorcières rejoignent le combat
(Never miss their mark)
(Ne manque jamais leur cible)”
- Sabaton