Pierre Brossolette, résistant de la première heure
- Honorine Chaput
- 16 juil.
- 6 min de lecture

Pierre Brossolette, figure de la Résistance française pendant la Seconde Guerre mondiale, repose depuis le 27 mai 2015 au Panthéon.
Journaliste, homme politique et résistant, il jouera un rôle crucial dans la lutte contre l'occupation nazie et pour la libération de la France.
Sa jeunesse
Né le 25 juin 1903, Pierre Brossolette grandit avec ses 2 sœurs, Suzanne et Marianne, dans une famille studieuse, leur père étant inspecteur de l’enseignement primaire à Paris. Leur mère décéde en 1914. Ses sœurs, agrégées en histoire et géographie, assureront principalement son éducation.
Pierre Brossolette, élève brillant, entre premier à l’École normale supérieure en 1922. Il est reçu deuxième à l’agrégation d’histoire.
À sa sortie de l’École normale supérieure, il commence sa carrière de journaliste qui lui permettra de défendre ses idées tout en gardant son indépendance tout au long de la guerre. Il travaille pour plusieurs publications, et même pour une radio, Radio-PTT.
En 1926, il épouse Gilberte Bruel avec l'autorisation du gouverneur militaire de Paris, puisqu'il est encore sous les drapeaux. Ils auront deux enfants : Anne, l'aînée, et un garçon, Claude.
Son engagement politique
Pierre Brossolette appartient à la famille socialiste et laïque de l'époque. Ses études en ont fait un intellectuel brillant, et plutôt que d'engager une carrière universitaire, son aspiration à l'écriture le pousse vers le journalisme. Travaillant au sein de plusieurs journaux, il participe également aux émissions de Radio PTT, dont il est licencié en janvier 1939 lorsque dans une émission il s’oppose aux accords de Munich, qu’il considère comme une reculade face à Adolf Hitler.
Radical tout d'abord, puis socialiste SFIO, il est très critique à l'égard de la IIIème république. Cela lui vaudra une inimitié forte et durable avec Jean Moulin.
En octobre 1934, il se présente sans succès aux élections cantonales dans le canton d’Ervy-le-Châtel puis en avril 1936 à la députation de l’Aube (deuxième circonscription) sous l'étiquette du Front Populaire.
Pendant la Seconde Guerre Mondiale
Son engagement militaire
Dès l'arrivée d’Hitler au pouvoir, Pierre Brossolette comprend le danger que le Führer représente.
Il rejoint le 23 août 1939 le cinquième régiment d’Infanterie Navarrell avec le grade de
Lieutenant, devient Capitaine avant la défaite de la France, et reçoit une première Croix de Guerre en 1940 en ramenant tous ses hommes vivants à Limoges.
L'entrée en résistance
Dès l'occupation de la France en 1940, Brossolette rentre dans la Résistance. Hostile au régime de Vichy, il rejoint le Groupe du musée de l’Homme, et écrit le dernier numéro du journal Résistance, échappant de peu à son démantèlement. Il participe également à la formation des groupes de résistance Libération-Nord et Organisation Civile et Militaire (OCM) dans la zone occupée. Il devient chef de la section presse et propagande de la Confrérie Notre-Dame (CND), après sa rencontre avec le Colonel Rémy. Il utilisera ses compétences de journaliste pour informer et mobiliser les Français.
En parallèle, il participe à des actions de sabotage et de renseignement.
Refusant catégoriquement l'idée de mettre sa plume au service des journaux sous la coupe des allemands, il fait une demande auprès du gouvernement de Vichy pour devenir enseignant, demande qui restera lettre morte. Pierre et Gilberte Brossolette achètent alors une librairie à Paris qui servira de lieu de rencontre et de « boîte aux lettres » pour les résistants.

En tant que membre influent des réseaux Libération-Nord et de l’Organisation Civile et Militaire, qui sont entrés en contact avec Londres, et représentant de la Résistance, il rencontre Charles de Gaulle pour la première fois dans la nuit du 27 au 28 avril 1942 en Angleterre, où il est arrivé clandestinement.
Par la suite, il fait de nombreux allers-retours à Londres, et est parachuté à plusieurs reprises en France.
La première fois pour mettre sa famille en sécurité, car elle a été plusieurs fois menacée par des perquisitions en mai 1942, et choquée par l'interrogatoire de 36 heures que son fils a subi. Il s'ensuivra une aventure digne d'un film d'action pour amener Gilberte et Claude en sécurité à Londres !
Une fois en Angleterre, Gilberte Brossolette, elle, assurera la liaison entre le Commissariat à l'Intérieur de la France libre et la BBC.
Les services secrets
Le 1er octobre 1942, il est nommé adjoint du colonel Passy, (André Dewavrin de son vrai nom), chef du Bureau central de renseignements et d'action (BCRA), qui est l'évolution des services de renseignement de la France Libre auprès du General De Gaulle et prend également la tête de la section opératoire, un service chargé de faire le lien entre les résistances intérieures et extérieures.
Il devient vite un personnage qui pèse dans la France libre, et remet souvent en cause la façon qu'a le Général de Gaulle de mener les dossiers et les hommes. Il parvient à faire accepter à De Gaulle (en dépit de consignes contraires) la tenue de la mission historique Arquebuse-Brumaire, et est parachuté en janvier 1943 pour oeuvrer à la création du CCZN (Comité de coordination de zone Nord), qui est un ralliement explicite des plus importants mouvements de Résistance de l’ex-zone occupée. Il devient ainsi le pendant de Jean Moulin, qui est délégué spécial de la zone sud. Le CCZN voit le jour le 26 mars 1943. Cette étape précèdera la création du Conseil National de la Résistance (CNR) par Jean Moulin le 27 mai 1943, avec cette fois l’inclusion des partis politiques.
Pierre Brossolette et Jean Moulin seront en rivalité jusqu'à leur mort. Au-delà des divergences d'opinion politique, Jean Moulin reproche à Pierre Brossolette d'avoir interféré auprès du Général de Gaulle pour l'empêcher de coordonner la Résistance dans la zone nord.
Pierre Brossolette, une voix, une plume

Pierre Brossolette est aussi le porte-voix des combattants de l'ombre. Il rend un vibrant hommage aux « soutiers de la gloire » dans un discours à la BBC le 23 septembre 1942.
En 1943, il est le premier orateur de l'anniversaire de l’Appel du 18 Juin et prononce un discours d'hommage aux morts de la France combattante au Royal Albert Hall.
Puis, il remplace Maurice Schumann dans l'émission de la BBC Honneur et Patrie du 29 mai au 27 juillet 1943, prononçant, au total, 38 chroniques.
En ce qui concerne ses écrits pendant la période d'occupation, outre les rapports, compte-rendus et articles qu'il a rédigés à l'attention des services gaullistes, on notera la publication, le 27 septembre 1942 dans le journal La Marseillaise, de l'article "Renouveau Politique en France", destiné aux français expatriés, ainsi qu'aux mouvements de Résistance extérieure qui se défient de la France combattante. Ce texte sera plus tard considéré par certains comme un des textes fondateurs du gaullisme de guerre.
Sa fin de vie
En France, après avoir déjà échappé à plusieurs arrestations et plusieurs exfiltrations non fructueuses, Pierre Brossolette décide de rentrer à Londres, avec Emile Bollaert, sous une fausse identité.
Le 3 février 1944, partant du Finistère, leur bateau fait naufrage près de la pointe du Raz. Les deux chefs de la Résistance ainsi qu’une trentaine d’hommes échouent sur la côte, où ils sont recueillis par la résistance locale. Quelques kilomètres plus loin, alors qu’ils arrivent à un barrage de routine, ils sont arrêtés suite à dénonciation par une collaboratrice. Ils sont emmenés en prison à Rennes, siège de la Kommandantur locale.
Plusieurs semaines passent sans que leurs véritables identités ne soient révélées. Un officier SS et membre de la Gestapo l'ayant croisé à Lyon, Ernst Misselwitz, se déplace jusqu'à Rennes pour les identifier. Ils sont transférés le 19 mars, au quartier général de la Gestapo à Paris, où les tortures commencent.
Forest Yeo-Thomas, un des agents secrets britanniques du Special Operations Executive (SOE) les plus actifs en France, et qui a fait de nombreuses missions avec Brossolette, est parachuté en urgence pour essayer d'organiser son évasion. Il est capturé le 21 mars sans avoir pu le libérer.
Comme tant d'autres, Pierre Brossolette ne dira rien, refusant de trahir ses camarades et la Résistance. Le 22 mars, profitant de la pause de son gardien et malgré ses mains attachées dans le dos, il ouvre la fenêtre de sa loge de détenu, et se jette dans le vide. Grièvement blessé, il est transféré à l’hôpital de la Salpêtrière, où les médecins avaient pour mission de le maintenir en vie. Il décède vers 22h, sans avoir parlé.
La panthéonisation
Le 21 février 2014, Le Président de la République, François Hollande annonce l’arrivée de 4 héros de la 2ème Guerre Mondiale au Panthéon: Pierre Brossolette, Geneviève de Gaulle-Anthonioz, Germaine Tillion et Jean Zay. Ils font leur entrée le mercredi 27 mai 2014, malgré quelques désapprobateurs qui jugent l’entrée de Pierre Brossolette comme un affront à Jean Moulin.

Le nom de Pierre Brossolette est plus connu aujourd'hui que l'homme lui-même et ses actes de bravoure, au travers des rues, monuments, établissements scolaires qui l'évoquent. Il est d'autant plus important de contribuer à éduquer les jeunes générations sur ces grands hommes qui ont contribué à libérer la France du joug allemand au péril de leur vie.