Dans un contexte de crise économique et politique, la Roumanie avait tout lieu de craindre une nouvelle guerre tant le maintien de ses frontières et de son indépendance était vulnérable face à l’autorité grandissante du IIIe Reich et à la montée de la menace Russe.
La Roumanie avant l’entrée en guerre
Avant la Seconde Guerre mondiale, la Roumanie avait connu une période de stabilité relative, particulièrement durant les années 1920. Le pays s'était agrandi après la Première Guerre mondiale, en récupérant des territoires tels que la Transylvanie, la Bessarabie et la Bucovine, consolidant ainsi la “Grande Roumanie”.
La Roumanie est une monarchie constitutionnelle sous le règne du roi Fernand Ier qui meurt en 1927, laissant le trône à son petit-fils Michel Ier alors âgé de 6 ans. Cette régence est perçue comme faible et inefficace et Carol, le père de Michel, vit en exil après avoir renoncé au trône en 1925 à cause de scandales personnels et de son comportement irresponsable. En 1930, Carol II revient de son exil et revendique le trône. L’influence de la classe politique, particulièrement les partis nationalistes et fascistes comme la Garde de Fer (une organisation d'extrême droite), augmentait. Le roi Carol II, qui régnait depuis 1930, avait tenté de centraliser le pouvoir en instaurant une dictature royale en 1938 pour contenir l'extrême droite, mais cela n’a fait qu’accroître les tensions.
Neutralité fragile et pertes territoriales
À l’aube de la Seconde Guerre mondiale, la Roumanie essayait de maintenir une politique de neutralité, tout en étant consciente de la montée des tensions en Europe.
Le 23 août 1939, l'Allemagne et l'Union soviétique signent à Moscou le pacte Ribbentrop-Molotov (pacte germano-soviétique), selon lequel l'URSS revendique le nord de la Bucovine et la Bessarabie. Dans ce contexte, le Conseil de la Couronne décida le 6 septembre 1939 de proclamer la neutralité de la Roumanie pour éviter la confrontation militaire et sécuriser ses frontières.
En 1940, la Roumanie subit une série de revers territoriaux qui la plongent dans une profonde crise nationale. Sous la pression de Staline, la Roumanie cède en juin la Bessarabie et la Bucovine du Nord à l'Union soviétique. Peu après, en août, la Hongrie, soutenue par l'Allemagne, obtient la Transylvanie du Nord par l'arbitrage de Vienne, et en septembre, la Bulgarie récupère la Dobroudja du Sud par les Accords de Craiova. Ces pertes, qui touchent près d’un tiers du territoire roumain et 40% de sa population, provoquent un mécontentement généralisé.
Le général Ion Antonescu, un militaire pro-fasciste, forme une alliance avec la Garde de Fer, un parti nationaliste révolutionnaire pour contraindre Carol II à abdiquer en faveur de son fils, Michel Ier, en septembre 1940. Michel Ier reprend le trône dans des circonstances difficiles mais n’a pratiquement aucun pouvoir réel car la Roumanie est dirigée par le régime militaire d’Antonescu. Ce dernier, voyant que les Alliés occidentaux étaient incapables de protéger la Roumanie, se tourne vers l’Allemagne pour restaurer la stabilité du pays.
Alliance avec l’Axe
En novembre 1940, la Roumanie rejoint officiellement l’Axe en signant le pacte tripartite, qui lie l'Allemagne, l'Italie et le Japon. Ce tournant est motivé par plusieurs facteurs : la nécessité d'une protection contre l'Union soviétique, l'espoir de récupérer les territoires perdus, et la crainte d'une éventuelle occupation allemande si le pays ne se soumettait pas volontairement. L'Allemagne, qui convoitait le pétrole roumain et souhaitait sécuriser son flanc sud-est, accepte cette alliance.
En échange, l’Allemagne fournit une assistance militaire et économique à la Roumanie, renforçant ainsi son régime. Rapidement, des troupes allemandes sont stationnées en Roumanie, et le pays devient un allié clé dans la campagne de l’Axe en Europe de l’Est. En juin 1941, Antonescu ordonne à l’armée roumaine de participer à l'invasion de l'Union soviétique, marquant ainsi l’engagement total du pays aux côtés de l’Allemagne nazie. La Roumanie espère alors récupérer la Bessarabie et d'autres terres perdues. Antonescu voyait l’Allemagne comme un allié militaire capable de protéger la Roumanie contre l’expansion communiste. Mais son engagement dépasse la simple question des territoires. Sous son régime, la Roumanie participe également aux politiques antisémites de l’Axe. Bien qu’elle conserve une certaine autonomie dans sa gestion de la question juive, des massacres et déportations de populations juives et roms ont lieu, notamment dans les territoires annexés comme la Transnistrie. Ces actes ternissent gravement la réputation du régime, tant sur le plan moral qu’historique.
Antonescu, en raison de son patriotisme et son autoritarisme était perçu comme un “sauveur” qui tentait de stabiliser le pays en proie à une crise économique, sociale et politique. Puis, avec l’alignement sur l’Allemagne, la participation au génocide juif et les pertes humaines et les souffrances économiques liées à la guerre ont profondément divisé la société roumaine.
De la Garde de Fer à la Chute
Dirigée par Horia Sima, la Garde de Fer voit dans Antonescu un allié capable de porter ses ambitions au sommet de l'État. Toutefois, cette coopération s'avère instable dès le départ. Antonescu, bien que partageant certaines idées nationalistes, reste méfiant envers l’idéologie extrémiste et le caractère violent de la Garde.
La Garde, après avoir pris une place importante dans l'administration et mené des actions violentes contre les Juifs et les opposants politiques, tente de renverser Antonescu pour instaurer son propre pouvoir. L’armée, fidèle à Antonescu, écrase la rébellion après plusieurs jours de violents combats à Bucarest.
Entre crises et ambitions
La transition de la Roumanie d'un statut neutre à un allié de l'Axe s'explique par une combinaison de pressions géopolitiques, de crises internes et de pertes territoriales massives. En 1940, elle se retrouve isolée sur la scène internationale, ébranlée par des pertes territoriales qui fragilisent la stabilité politique mais aussi l’identité du pays. Face à ces bouleversements, le régime d'Ion Antonescu voit dans l’alliance avec l’Allemagne, une opportunité pour préserver l’intégrité de la nation. Cela reflète également ses ambitions personnelles de pouvoir. En s’engageant dans la défense de sa civilisation, dans la reconstruction de l’Europe et du monde, il lie le destin de son pays au national-socialisme et au fascisme, ce qui lui offre un cadre favorable à son régime et à sa dictature militaire.